La Bernerie-en-Retz : une colonie de vacances protestante

    La Fraternité de Nantes-Chantenay orienta une grande partie de son action vers la jeunesse. Nous avons dit qu’elle fut un des établissements pionniers du scoutisme en France.

    En 1910 encore la Fraternité de Nantes confiait ses enfants considérés comme « délicats et infortunés » à l’oeuvre de la  Brise de mer  qui dépendait de la paroisse réformée de la ville. « Le comité de cette œuvre a bien voulu consentir à nous faire des prix de faveur pour la pension, et, grâce à la générosité de quelques amis, nous avons pu envoyer pour un ou deux mois à la mer, 13 de nos enfants1 ». Ils sont 20 dès l’année suivante, mais la guerre vient bientôt imposer de nouvelles urgences à l’oeuvre de la Mission Populaire, comme la confection de soupes pour les enfants dans ses locaux de Chantenay. Cette guerre, justement, resserre les liens entre l’oeuvre d’évangélisation et ses donateurs américains. Le pasteur Emmanuel Chastand recueille assez de fonds pour financer de nouvelles activités, comme un restaurant et un dispensaire dirigé par une « infirmière visiteuse ». La Fraternité encadre désormais 70 éclaireurs unionistes, accueille plus d’une centaine d’enfants dans son École du Jeudi. Une grande partie d’entre eux sont engagés dans l’association d’abstinence d’alcool, l’Espoir.

colonie de vacances La Bernerie

L’hôtel Bellevue à La Bernerie-en-Retz.

    Le projet de séjour de vacances à la mer se concrétise alors. Une première colonie avait eu lieu en 1919 dans la salle provisoire de la Fraternité de Saint-Nazaire, dans des conditions très spartiates. « Un grand événement s’est produit en 1920, écrit le pasteur Chastand […] l’inauguration de la maison de colonies de vacances Bellevue à La Bernerie (Loire-inférieure), don généreux de nos amis américains. Dans la vaste demeure dont le jardin est en bordure de plage, 75 enfants ont été reçus dès cette année, sous la direction de M. et Mme Garnier2 ».

    Le bâtiment acquis par la Mission Populaire était un ancien château de villégiature devenu l’Hôtel des Voyageurs puis une maison de convalescence pendant la guerre. Il pouvait servir désormais à accueillir à la belle saison « les jeunes filles de nos unions […] les Éclaireurs et Unionistes qui ont un pied-à-terre tout trouvé pour dresser leurs tentes, pour les parents de nos enfants.  Beaucoup assistent à nos cultes du dimanche, assure le pasteur C. Guex3 ». Avant que les enfants nantais ne prennent possession des lieux en août, l’établissement recevait des jeunes d’autres stations de la Mission Populaire comme ces 62 enfants et jeunes-filles des postes du Boulevard Blanqui et du Faubourg Saint-Antoine à Paris, venus en 1921.

    « Les petits vont à la découverte, nous rapportent avec des cris de joie des crabes, des méduses, des petits cailloux ressemblant à du porphyre, de l’agate. Yvonne nous montre ses trésors : « Comme Dieu est bon de faire des choses si belles ! […] Cette joie de vivre n’est-elle pas une des raisons du bien que se font les corps ? Car ils s’y font du bien et les poids augmentent en moyenne de 2 à 3 kilos », assure le pasteur L. Ollier. Apparemment, la cohabitation entre ces jeunes issus de familles prolétaires et les vacanciers bourgeois se passait bien : « En peu de temps, nous avons acquis l’estime d’une grande partie de la population et des baigneurs, alors que l’arrivée d’une telle bande d’enfants sur une plage tranquille semblait devoir faire naître quelques appréhensions pour le repos et la tranquillité des habitants4 ».

    La colonie protestante de La Bernerie-en-Retz fonctionne encore au début de la deuxième guerre mondiale. Elle accueille des réfugiés. Le pasteur André Privat, de Nantes, y assure encore le culte d’été en juin 1941 et peut même se baigner malgré l’interdiction de l’occupant allemand qui proscrit l’accès aux plages. Les colonies de la Mission Populaire sont désormais transférées à l’intérieur des terres. L’hôtel Bellevue est vendu après la libération à une autre association de jeunesse.

    Le bâtiment, exemple classique d’un aménagement en réemploi, pour reprendre une catégorie définie par Romain Grimaud, a été finalement rasé en 19605. Mais il aura marqué toute une génération de jeunes qui ont ainsi pris connaissance de l’Évangile et de l’amour qu’il peut susciter.

Jean-Yves Carluer

1Mission Populaire évangélique, Rapport de 1911, p. 114.

2Mission Populaire évangélique, Rapport de 1921, p. 55.

3L’action Missionnaire en France, 1921, p. 482.

4Idem, p. 482.

5Romain Grimaud, Le patrimoine des colonies de vacances sur le littoral de Vendée et de Loire-Atlantique, p. 15