A propos du livre « Anglicans en Bretagne »

Anglicans in Britanny, par Alan Charters.

     Je n’ai eu en main l’ouvrage d’Alan Charters, publié à Londres en 2003, qu’il y a quelques semaines. C’est un ouvrage majeur pour qui veut connaître un peu plus la communauté anglicane bretonne de la période contemporaine.
Anglicans in Britanny     L’auteur entend présenter dans son titre les paroissiens de l’Église d’Angleterre résidant en Bretagne depuis le début du XIXe siècle ainsi que leurs lieux de culte. Cependant l’essentiel de l’ouvrage, fort intéressant au demeurant, est consacré à la paroisse St Bartholomew de Dinard, la seule, effectivement, qui ait traversé le XXe siècle et ses vicissitudes, apportant une vie souvent brillante à la pittoresque église de la rue Faber à Dinard. Il est vrai que le littoral de la Côte d’Émeraude a longtemps concentré l’essentiel de la «colonie britannique».
Les sujets anglais ont fréquenté les rivages bretons depuis longtemps. Ils se sont parfois établis en temps de paix dans les ports de la Manche, au point de constituer une fraction des communautés huguenotes de Plouër ou de Morlaix. Mais deux événements ont précipité leur installation sur nos rives. Le premier a été la longue période de guerre qui a opposé presque continuellement nos nations pendant près d’un siècle jusqu’en 1815. Des Français, aristocrates émigrés ou officiers prisonniers sur parole, ont ramené de leur séjour outre Manche des épouses britanniques. Inversement, les officiers anglais ou écossais fait prisonniers par nos troupes ou nos vaisseaux, ont été astreints à résidence dans quelques cités bretonnes, dont la plus notable était en 1757 Dinan, avec 2000 Britanniques pour une population de 6000 habitants. Il faut croire que le statut de prisonnier sur parole n’était pas trop pénible, car, la paix venue, un certain nombre de ces hôtes forcés désirèrent revenir et même s’établir sur les rives de la Rance, d’autant que la vie y était moins chère et le climat, paraît-il, bien meilleur.
Le deuxième événement est justement cette paix dont ont bénéficié nos nations pendant les deux derniers siècles. Les résidents britanniques se sont établis par milliers, que ce soit à l’année, cas fréquent au début du XIXe siècle, ou lors de la belle saison à partir des années 1870. Ce sont ces derniers qui ont fait la fortune de stations élégantes dont la plus célèbre était Dinard. Ils y furent d’ailleurs rejoints par des Américains.
Plusieurs sources, dont l’ouvrage ne parle pas, témoignent d’un culte anglican à Dinan et Saint-Malo (Saint-Servan) dès les années 1820. Alan Charters préfère aborder la prise en charge spirituelle des fidèles de l’Église d’Angleterre à partir de 1865 quand ces expatriés ont fait l’objet des soins de la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, fondée trois années plus tôt à Londres. Les Anglicans bretons auront désormais des paroisses officielles, dépendant aujourd’hui d’un siège épiscopal pour l’Europe continentale.
C’est ainsi qu’ont été édifiés, à l’aide d’un financement de Londres, des lieux de culte élégants : Christ Church, en 1877 à Dinan, Trinity Church, à Saint-Servan, ainsi que les chapelles de Paramé (1894) ou Saint-Lunaire (1906). Le réseau se prolongeait au-delà du Couesnon par le temple anglican d’Avranches.
Alan Charters appelle ces édifices des «maisons construites sur le sable». Leur affectation fut éphémère, à l’exception de Saint-Servan qui reprenait une ancienne localisation du début du XIXe siècle. Desservies par des chapelains occasionnels venus de Grande Bretagne quelques dimanches par été, peu entretenues car gérées par des vice-consuls britanniques dont ce n’était pas la tâche essentielle, à peu près vides même en été après la Seconde Guerre, elles ont été progressivement mises en vente à partir des années 1960. «Bâties sur le sable», ce n’est pas vrai pour toutes. Deux d’entre elles sont devenues des lieux de culte évangéliques : la chapelle d’Avranches, achetée par l’Assemblée de Dieu de la ville, accueille chaque dimanche aujourd’hui un service religieux pentecôtiste. La chapelle de Saint-Lunaire, pour sa part, a été acquise et remarquablement rénovée par les bénévoles de l‘Assemblée de Frères voisine et abrite son culte dominical.
Pour revenir à l’étude d’Alan Charters, elle porte donc essentiellement sur la paroisse St Bartolomew de Dinard qu’il décrit comme une «maison sur le roc».
Sa pérennité s’explique en fait par son statut particulier. Elle a été gérée dès l’origine par une association locale qui devait tout à sa fondatrice, Mme Lyona Faber, veuve d’un éminent résident anglais de Dinard. Les travaux commencèrent en 1874 sur un terrain qui lui appartenait. Le premier bâtiment se montra très vite trop petit, d’autant qu’il combinait les fonctions de chapelle anglicane et épiscopalienne. St Bartholomew devint après agrandissement l’église anglo-américaine de la Côte d’Émeraude, dont les activités se prolongeaient à la mauvaise saison.
Si la deuxième guerre mondiale, l’occupation allemande puis le déclin du nombre des touristes britanniques avant la reprise contemporaine ne purent détruire l’oeuvre, c’est toujours grâce à l’engagement des paroissiens et des bénévoles. Il faut citer à cet égard le rôle fondamental de Miss Elisabeth Hannay qui fut jusqu’à sa mort l’âme de la communauté anglicane. C’est elle également qui développa les contacts avec le clergé catholique local, contacts qui débouchèrent sur la formation du Groupe oecuménique de la Rance dont on sait le rôle pionnier à l’échelon national en France.

     Alan Charters, Anglicans in Britanny, Londres, Serendipity ed., 2003, ISBN 1 84394 044 2

Jean-Yves Carluer

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