L’ancien temple anglican de Saint-Servan

La chapelle de la rue du chapitre à Saint-Malo – Saint-Servan.

     Nous avons eu l’occasion de parler sur ce site de l’importante communauté britannique qui résida depuis 1815 sur la Côte d’Émeraude.

     Le culte anglican s’exerçait depuis 1822 dans la région avec l’accord de l’administration française, sous la responsabilité du vice-consul du Royaume-Uni.

     Le principal lieu de réunion était un local, aujourd’hui disparu, situé à l’intérieur d’un pâté de maisons au centre de la localité de Saint-Servan, entre l’actuelle rue Duperré et la cour du bon Pasteur. Ce site a accueilli les cultes protestants pendant deux générations, puisque la chapelle de la rue Duperré, officiellement autorisée par un arrêté préfectoral du 19 juillet 1838, servait aussi au pasteur réformé de Rennes quand il se rendait à Saint-Malo pour édifier ses paroissiens francophones.

     Au milieu du XIXe siècle, la communauté anglicane de Saint-Servan – Saint-Malo ne progressait plus vraiment en nombre. Les pôles les plus dynamiques se situaient plutôt à Dinan et bientôt à Dinard. De plus, les séjours de résidents britanniques étaient de plus en plus saisonniers. L’amélioration des moyens de transports favorisait la mobilité de ces populations aisées. Saint-Servan, pourtant, conservait son statut de point d’ancrage de la communauté anglicane, autour de sa chapelle, de son « cimetière anglais », de sa pension pour jeunes élèves. Cette collectivité n’est pas sans connaître des fractures religieuses internes correspondant à la diversité spirituelle du royaume de Victoria. Les archives départementales mentionnent à l’occasion des groupes dissidents, probablement méthodistes.

Old anglican chapel Saint-Malo

L’ancienne chapelle anglicane, rue du Chapitre à Saint-Servan. L’édifice a été réaménagé depuis avec l’ajout d’un balcon en façade.

    En 1875, la majorité des Britanniques édifia à ses frais une belle chapelle, digne de la solennité qui sied au culte anglican de plus en plus marqué par l’accent liturgique. Le maire de Saint-Servan refusa toute subvention, arguant que « le sentiment catholique de la population » était très vif dans sa ville[1]. Mais la construction, déjà bien avancée rue du Chapitre, s’acheva à la fin de cet été-là. L’inauguration eut lieu le 3 octobre 1875. L’ancien local de la rue Duperré servit pour les dissidents et les protestants francophones.

     Les chapelains anglicans de Saint-Servan n’étaient apparemment pas financés par Londres. C’étaient souvent des ecclésiastiques qui vivaient de leurs rentes, comme le révérend Wilton Oldham (1835-1883), ancien administrateur colonial et auteur d’une histoire du district de Ghazeepoor, dans le province de Bénarès.

Cimetière Jeanne jugan. Carré protestant.

Le carré protestant, dit « cimetière anglais », rue Jeanne Jugan à Saint-Servan

   Sa tombe est une de celles dont les inscriptions restent encore facilement lisibles dans le pittoresque carré protestant de l’ancien cimetière de la rue Jeanne Jugan.

    Il devint de plus en plus difficile d’assurer le culte dans la chapelle de la rue du chapitre au cours du XXe siècle. Les guerres dispersèrent la communauté anglicane, les chapelains se firent rares et occasionnels. Les Britanniques prirent l’habitude de se réunir de préférence à Dinard, de l’autre côté de la Rance, ou la paroisse Saint-Batholomew concentrait le dynamisme anglican jusqu’à aujourd’hui.

    Il n’y avait plus de raison de conserver la propriété de la chapelle de la rue du chapitre. Les Britanniques décidèrent de vendre le bâtiment dans les années 1950. Ils contactèrent le pasteur réformé de Saint-Servan qui ne disposait alors que d’un temple en matériaux préfabriqués. Mais la paroisse n’avait pas alors les moyens d’acheter. Le bâtiment fut donc vendu à un promoteur immobilier qui y aménagea des appartements.

    Ce qui fut longtemps la chapelle anglicane de Sain-Servan a toujours belle allure dans un quartier résidentiel des hauteurs de la ville. Le passant un peu attentif qui s’interrogerait sur l’utilité de grands contreforts de granits à un immeuble à usage d’habitation en trouvera ici la raison !

Jean-Yves Carluer

[1] Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 3V4, lettre du 5 juillet 1875.