Vers les Bretons ou les Maoris ? -1

Les choix difficiles d’une famille méthodiste…

    Les Églises méthodistes, de plus en plus actives au Royaume-Uni à la fin du XVIIIe siècle, y ont renouvelé l’esprit missionnaire. Bien des notables, officiers ou hommes d’affaires, ont rejoint les assemblées qui se constituaient selon les principes de John Wesley. Les dirigeants des « cercles », voire des « circuits » wesleyens n’étaient pas forcément des pasteurs, mais pouvaient être des laïcs dont on reconnaissait les compétences spirituelles.

    Quelques régions des Îles britanniques sont été des terreaux fertiles pour les idées méthodistes. On pense au Pays-de-Galles, mais aussi à l’Irlande du Nord et aux Îles anglo-normandes qui se sont révélées être une solide base arrière pour la progression des Églises wesleyennes en Europe continentale, voire plus loin encore.

    La structure ecclésiale wesleyenne offrait nombre d’opportunités pour cette expansion, notamment dans sa définition des ministères qui intégrait des laïcs et des formes d’engagements temporaires. Au début du XIXe siècle, notamment, un certain nombre d’officiers démobilisés ou en demi-solde se trouvèrent naturellement à l’origine de communautés nouvelles. Nombre de notables britanniques, attirés par le climat des différentes côtes de France s’y fixèrent durant leur retraite. Des Méthodistes actifs faisaient partie de ces migrants, habituellement temporaires. Plusieurs décidèrent d’oeuvrer pendant leur séjour, pour témoigner de leur foi et encadrer des communautés émergentes. Ce schéma s’applique aussi bien aux littoraux de l’ouest de la France qu’à des terres plus lointaines. Il faut croire qu’il se révéla très efficace, car les Églises méthodistes sont aujourd’hui particulièrement bien représentées au Canada, en Australie et en Nouvelle Zélande. Ces terres étaient dites « de peuplement » car leur climat permettait habituellement à des familles européennes de résider sur place sans être trop fauchées par les maladies.

Fort Henry Jean-Yves Carluer

Fort Henry, dans la paroisse de Grouville, à Jersey. La tour d’artillerie carrée date du XVIIIe siècle. Au fond, derrière la dune, le château Montorgueil

    Notre histoire commence à l’époque des guerres de la Révolution et de l’Empire. Le major Francis Hawker, du 12th Draggons, était en garnison à Carrick, petite cité sur la côte nord de l’Irlande, connue pour ses falaises, sa « chaussée des géants » et sa passerelle suspendue entre deux falaises. C’est là que naquit la jeune Anne Catherine Hawker (1802-1838). La famille se déplaça ensuite et nous la retrouvons à Fort Henry, ou Fort Conway, en Grouville, non loin du célèbre château de Mont Orgueil, face aux rivages du Cotentin, à Jersey. Le séjour dans les Îles de la Manche semble avoir été décisif dans le choix spirituel des Hawker, qui embrassèrent la foi méthodiste. Pour sa part, Anne Catherine y épousa en 1828 un jeune officier, John Alexander Wilson.

    Entre temps, les Hawker avaient agrandi leur famille. Le jeune Charles était né en 1814. Il ne tarda pas, sur le modèle familial, à embrasser une carrière militaire dont nous savons peu de choses, sinon qu’il atteignit le grade de colonel ou de lieutenant-colonel. Il sera désormais désigné dans les documents des années 1860 comme le colonel Hawker. C’est lui qui vint résider quelque temps en Bretagne, entre 1856 et 18651.

     Charles Hawker, comme sa sœur Anne-Catherine, épouse Wilson, sont des méthodistes particulièrement zélés. L’objectif de leur vie et celui de leurs descendants est d’allier le soutien d’oeuvres évangéliques émergentes à l’existence agréable de résidents britanniques outre-mer. Ils apprécient particulièrement les régions côtières. Leur bonne pratique de la langue française, acquise depuis leur séjour à Jersey explique leur intérêt pour notre pays. Ils sont mobiles, n’hésitant pas à déménager fréquemment, mais presque toujours à proximité de lieux de culte protestants.

     Au cours des générations, des représentants de la famille Hawker laisseront une trace à Condé-sur-Noireau où est né le futur colonel, Saint-Georges-de-Didonne, Pau et Gouesnach. Le jeune couple Wilson a, pour sa part, un objectif clairement missionnaire. John Alexander Wilson, déjà prédicateur laïc méthodiste, est engagé en 1832 par la London Misionnary society pour contribuer à fonder la première mission protestante dans une grande île des antipodes, North Island en Nouvelle-Zélande.

(A suivre…)

Jean-Yves Carluer

1Il est assez difficile d’identifier précisément les membres des familles Wilson, Hawker et Dent. Les aînés portent les prénoms de leur père, les familles sont très nombreuses, l’endogamie y est forte, les phénomènes d’implexe fréquents, comme c’est souvent le cas dans les fratries évangéliques britanniques de l’époque.