Le régent d’une éphémère France équinoxiale (1612-1615)
La petite escadre partie de Cancale a débarqué hommes et matériel à l’embouchure du Para, excellente voie de pénétration vers l’intérieur du Brésil. Le site de l’île de Maranhao est idéal : Suffisamment étendu pour nourrir les pionniers, mais assez resserré pour être bien défendable, protégé également des tempêtes, le tout entouré de tribus locales favorables…
La Ravardière et son allié Razilly élèvent immédiatement une fortification de terre et de bois qui est dénommée Saint-Louis en l’honneur du roi de France. Mais la petite implantation américaine semble oubliée par la métropole. La Ravardière envoie une délégation à la Cour. Malgré un succès de curiosité, elle n’obtient qu’un renfort limité de 300 nouveaux colons qui débarquent en juin 1614.
Il est plus que temps, car les Ibériques commencent à réagir pour protéger leur chasse gardée américaine. Le roi d’Espagne et le vice-roi du Portugal ont levé une armée pour déloger les Français. Jérônimo de Albuquerque réussit à établir au cours de l’été un camp retranché sur le littoral, en face de l’île des Français, au lieu-dit Guaxenduba. La Ravardière lance une bataille contre cet établissement le 19 novembre pour se dégager mais ne réussit pas à desserrer l’étau. Les deux adversaires conviennent d’une trêve de plus d’un an. L’avenir du Maranhao est plus que jamais entre les mains des deux gouvernements, français et luso-espagnol.
La régente, Marie de Médicis, poussée par la faction pro-espagnole du Conseil, décide de s’incliner, alors que la pression portugaise s’accroît de plus en plus. La Ravardière, en fidèle officier de la monarchie capitule le 4 novembre 1615. Les conditions sont honorables. Notre huguenot décline même une pension et des propositions de service au sein de l’empire espagnol. Si Daniel de la Touche a finalement accepté de capituler c’est qu’il ne se reconnaît plus dans un établissement dominé par les missionnaires capucins… Le bouillant capitaine protestant a-t-il été tenté de désobéir aux ordres de la Cour et de se mettre à son compte, en faisant appel à des appuis britanniques et néerlandais ? Ce fut l’itinéraire de quelques corsaires rochelais passés au service des Anglais ou devenus pirates dans les Caraïbes. La Ravardière s’est soumis en 1615, mais la situation politique évolue rapidement en France.
L’historien Nicolas Fornerod insiste sur la crainte persistante que Daniel de la Touche inspire à la monarchie espagnole jusqu’à la fin de sa vie1. Le Sieur de la Ravardière est rentré en Europe sur des navires portugais et reste consigné à Lisbonne jusqu’en 1618. Alors que notre Breton d’adoption allait recevoir finalement l’autorisation de rentrer chez lui, le vice-roi du Portugal le fait arrêter et enfermer dans la fameuse Tour de Bélem. Ce coup de force est dénoncé par la France. Daniel de la Touche n’est finalement libéré, après une vigoureuse offensive diplomatique, que le 29 janvier 1620. Il quitte le Portugal en mars de cette année-là et peut enfin retrouver ses coreligionnaires et sa famille après une absence de huit années.
La carrière de Daniel de La Touche ne s’arrête pas là. Car notre infatigable Huguenot doit encore traverser les troubles religieux du règne de Louis XIII…
(à suivre)
1Nicolas Fournerod, in Augeron M., Poton D., Van Ruymbeke B, (dir), Les Huguenots et l’Atlantique…, Paris, 2009, p. 247 -255.