Bible en breton (2)

Thomas Price (1787-1848)

L’initiateur de la Bible bretonne

      Si les Bretons du XIXe siècle ont pu bénéficier d’une traduction de la Bible dans leur langue, c’est en grande partie grâce aux efforts du révérend Thomas Price. Certes, la première traduction imprimée de l’Écriture sainte en breton a été un travail d’équipe auquel on a attaché de notre côté de la Manche le nom du célèbre érudit Jean François Le Gonidec. Mais l’initiative, l’impulsion et le financement sont à porter au crédit des Britanniques, et tout particulièrement des Gallois et en premier lieu de Thomas Price.

Rev Thomas Price

Thomas Price

    Cet ecclésiastique est considéré comme une figure majeure de la littérature galloise du premier XIXe siècle. Tout à la fois brillant orateur, poète et musicien, il s’était imposé comme journaliste, linguiste et même naturaliste ou pédagogue. C’est tout logiquement qu’il mit sa renommée au service de la cause de la culture galloise. Quoique pasteur de l’Église d’Angleterre, il contribua à l’essor du mouvement néo-bardique dans lequel il voyait l’expression ultime de la celtitude. Il y fut intronisé sous le nom de Carnhuanawc. Il ne semble pas qu’il ait été de tendance évangélique marquée. C’était plutôt un de ces ecclésiastiques élégants qui savaient trouver les appuis nécessaires dans les salons de l’aristocratie locale. Ce qui l’attira vers la Bretagne, c’était le désir de relier le destin de ces terres celtiques.

    Thomas Price était né à Llanfihangle-bryn-Pabuan non loin des ruines du château d’un prince médiéval gallois, Llywelyn ap Gruffudd. Il s’attacha à faire revivre la tradition des Eisteddfodau, ces joutes culturelles annuelles qui rassemblaient les celtomanes du pays.

 Un ami des Bretons

    La découverte par les Gallois de leurs frères en celtitude bretons se fit très progressivement, notamment par des contacts avec des voyageurs et au travers de publications d’études historiques comme celles du pasteur John Hugues,

     En 1818, le journal des méthodistes gallois, le Goleuad Cymru, publia un communiqué qui présentait brièvement les 900.000 français qui parlaient le « cymrique » ou bas-breton et évoquait la tristesse de voir tous ces gens sous le « joug de fer du papisme ». Lorsque parurent l’année suivante les Horae Britannicae de John Hughes, le pasteur Thomas Price fut ému d’y lire que les Gallois avaient été autrefois « redevables aux Bretons de les avoir sauvés de l’hérésie pélagienne« .

     Dès le 13 avril 1819, il attira l’attention du comité de la Société Biblique Britannique et Étrangère sur le fait que les Bretons ne possédaient pas de traduction complète des Saintes Écritures. « La construction de la langue bretonne et son affinité avec l’ancien breton me persuadent qu’un Gallois peut, avec une petite application, se rendre capable de faire une traduction en langue bretonne« , écrivait-il, ce qui était plutôt optimiste.

    Thomas Price mobilisa les soutiens au Pays-de-Galles et organisa une collecte pour rassembler des fonds.

     Le comité de la société de Londres accepta finalement la proposition de Thomas Price en 1824. Le mouvement était lancé. Nous en aborderons les détails une autre fois. Il suffira de mentionner ici que, sur le terrain, les acteurs principaux ont été l’érudit et grammairien breton Jean François Le Gonidec, qui entreprit la traduction proprement dite, et un jeune pasteur méthodiste gallois, David Jones, qui prit les contacts préliminaires et corrigea ensuite les feuillets au fur et à mesure de leur avancement.

     La méthode utilisée était le résultat d’un compromis nécessaire. Le Gonidec était le meilleur choix possible en Bretagne. Mais le « restaurateur » de la langue écrite bretonne, s’il savait bien le latin depuis ses études au collège de Tréguier, ne connaissait ni le grec ni l’hébreu des textes originaux de la Bible. C’est pourquoi, en accord avec la Société biblique, le projet s’appuyait sur la Vulgate latine, ce qui avait l’avantage de répondre aux exigences du clergé catholique. Le but initial du comité de Londres était d’offrir aux Bas-Bretons une Bible en leur langue qui soit acceptable et diffusable par les évêques, comme cela avait été le cas pour les Saintes Écritures en Russie et dans d’autres pays. Mais il fallait vérifier au fur et à mesure de l’avancement de la traduction si elle restait fidèle au sens des textes originaux. C’était le rôle des théologiens gallois, très compétents dans les langues du Moyen Orient.

    Lorsque David Jones, pourtant jeune encore, mourut en septembre 1825, c’est Thomas Price qui reprit ce rôle. « De l’année 1824 à l’année 1835 incluse« , indique une note conservée dans les archives de la Société Biblique, « M. Price fut constamment en correspondance avec les agents, les secrétaires et les éditeurs… Un petit in 4° sur lequel est écrit 26 février 1827 contient les critiques que faisait M. Price durant la correction des épreuves« [1].

     Le travail de l’érudit breton fut achevé dans les délais voulus et le Nouveau Testament imprimé en novembre 1827. Thomas Price se rendit en France en 1829 pour discuter avec Le Gonidec de la traduction de l’Ancien Testament, texte qui ne fut publié qu’en 1866 avec la Bible entière.

     Les relations ainsi tissées en Bretagne ont été l’occasion pour Thomas Price de se rapprocher des érudits bretonnants comme le comte Hersart de la Villemarqué, qu’il invita au Pays-de-Galles. Jusqu’à son décès en 1848, Thomas Price contribua à insérer les premiers missionnaires gallois en Bretagne, les pasteurs Jenkins et Williams, au sein des milieux identitaires du Finistère, des Côtes-du-Nord et du Morbihan.

    Jean-Yves Carluer

 [1] Cité par Louis Dujardin, La vie et les oeuvres de Jean-François-Marie-Maurice-Agathe Le Gonidec, grammairien et lexicographe breton, 1775-1838, Brest, 1949, p. 87. Pour plus d’informations, se reporter à cet ouvrage ainsi que l’article du même auteur, « Les Protestants et la langue bretonne », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, 1950, p. 60-83. La thèse de l’historien gallois Dewi Jones (que nous remercions ici) sur ce sujet n’a pu, hélas, être soutenue mais est heureusement résumée par son auteur dans « Cent ans d’évangélisation. Les missionnaires gallois en Bretagne », Études sur la Bretagne et les pays celtiques, mélanges offerts à Yves Le Gallo, C.R.B.C., Brest, 1987. A noter la synthèse faite dans l’Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne par Y. Le Gallo (C.R.B.C., Brest, 1987).

2 réponses à Bible en breton (2)

  1. Patrice dit :

    Bonjour

    Où est il possible d’accèder à l’ouvrage? J’arrive du Canada et je m’intéresse depuis peu au breton. Je viens d’apprendre qu’il existe une bible en breton…quelle surprise!

    Merci de m’aider à savoir où l’acquérir à moins que cela ne soit plus possible,

    Cordialement,

    Patrice

    • Jean-Yves Carluer dit :

      Bonjour !
      Merci de votre intérêt ! Je réponds comme je le puis à votre question. Comme la langue bretonne n’est plus de pratique courante en dehors de milieux militants et des chercheurs, les responsables protestants n’ont pas jugé bon de poursuivre l’édition de Bibles en langue bretonne. Les derniers exemplaires qui se sont vendus dans les années 1960 étaient des tirés à part de la version Le Coat. Il existe cependant aujourd’hui un site qui met progressivement en ligne cette version, qui, de ce fait, réapparaît sur le WEB : https://bibl.monsite-orange.fr/ Vous pouvez également consulter en ligne ou acheter des versions catholiques du Nouveau testament, sur le site de l’évêché de Quimper ou aux éditions du centre Minihi Levenez.

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