« Bayard huguenot », stratège de renom, célébré pour sa droiture morale autant que pour son intelligence, François de La Noue a sans doute été le plus glorieux des protestants bretons. Si l’on prend au pied de la lettre le bel hommage que lui rendit Henri IV, c’était « un capitaine qui valait mieux que toute une province« .
François de La Noue a passé l’essentiel de son existence en dehors de la Bretagne, mais il y est né le 18 août 1531 au manoir de la Gascherie qui n’était pas encore un château, près de Nantes. Les hasards de la guerre ont voulu qu’il meure aussi en sa province natale, à Moncontour, des suites d’une blessure reçue lors du siège de Lamballe, en août 1591.
Il ne saurait être question de résumer ici l’exceptionnelle carrière militaire de François de La Noue. Elle a été retracée dans plusieurs ouvrages, dès 1661 par le pasteur Amirault[1], en 1892 par l’historien Henri Hauser[2], et plus récemment par Nicole Vray[3]. Rappelons simplement que notre Breton, issu de la moyenne noblesse provinciale, a été successivement capitaine, gouverneur de La Rochelle puis des provinces de Poitou, Aunis et Saintonge et colonel-général de l’infanterie, c’est-à-dire le plus haut grade des troupes à pied du Royaume de France. Ses nombreuses années de service l’ont amené dans le Sud-ouest, mais aussi aux Pays-Bas, où il fut un des grands chefs militaires qui conduisirent ce pays à l’indépendance.
François de La Noue a, semble-t-il, été touché par le message de la Réforme quand il était un jeune adulte à la fin des années 1550. Très proche de François d’Andelot à qui il succèdera un jour comme Colonel-général, rien n’indique pourtant qu’il était présent lors de la fameuse prédication de 1558 au château de La Bretesche. Nous le voyons par contre, l’année suivante, au premier rang des Calvinistes qui encadrent et protègent les Huguenots de Nantes. Sa foi est profonde et durable. Il n’est pas de ceux, nombreux en ce temps-là, qui changent de religion « comme on change d’habillement« , selon sa propre expression[4]. Son choix est le fruit d’un processus bien mûri. Comme l’écrit Henri Hauser, « l’élévation morale du calvinisme séduisit cet homme dont la vie entière fut un modèle de pureté[5]« . La Noue avait en horreur « l’ancienne caballe de la cour, qui est bien plus propre à faire rire et piaffer et pour s’enrichir« .
Cette intégrité morale resta une constante de son action militaire. L’officier lutta toujours contre les pratiques de pillage ou de « picorée » propres aux armées du temps. Dans ses troupes, pas un blasphème n’était permis. « Les femmes en estoient bannies. on n’y eût trouvé ni une paire de dez ni un jeu de cartes[6]« . La Noue, surnommé « bras de fer », à cause d’une prothèse métallique qu’il portait depuis 1571, était également connu pour son « humanité après la victoire » envers ses ennemis.
Quand les guerres civiles se rapprochèrent de la Bretagne, François de La Noue se rapprocha d’un autre calviniste de la province, Charles Gouyon de La Moussaye, déjà veuf de Claude du Chastel depuis 1587. Quoique père de plus d’une dizaine d’enfants, ce dernier était tout juste quadragénaire. La Noue lui proposa d’épouser sa propre fille, Anne, qui approchait de la trentaine. Le mariage se fit à Vitré en 1593. Mais François de La Noue, à cette date, était décédé.
Le roi Henri IV lui avait demandé en 1591 de se diriger vers la Bretagne où les troupes royales piétinaient devant le résistance du duc de Mercoeur. François de La Noue obéit, non sans en pressentir le danger : « Je vais, dit-il à ses amis, mourir à mon gîte comme le bon lièvre« . Il observait les remparts de Lamballe depuis un poste avancé quand qu’il reçut le coup d’arquebuse fatal. Deux jours après, à Moncontour, « Le dit sieur de Montmartin luy dit en luy tenant la main : souvenez-vous, Monsieur, du passage de Job qui dit : je scay que mon Rédempteur vit et qu’il se tiendra le dernier sur la terre, et que mes os et ma chair verront mon Dieu en sa face […] ne le croyez-vous pas ? Alors il leva la main au ciel et la tint longtemps en l’air, alongeant le maître doigt, et nous regardant du mesme oeil qu’il nous menoit à la guerre, et aussitost rendit l’esprit[7]« .
[1] Moyse Amirault, Vie de François, seigneur de La Noüe, Leyde, 1661.
[2] Henri Hauser, François de La Noue (1531-1591), Paris, Hachette, 1892.
[3] Nicole Vray, François de La Noue, « Bras de fer », Éditions Ampelos, 2012.
[4] Lettre sur la conversion, selon Henri Hauser, op. cit., p. 8.
[5] Henri Hauser, op. cit, p. 8 et 9.
[6] Idem, p. 12.
[7] « Mémoires de Jean du Mats, seigneur de Terchant de Montmartin, gouverneur de Vitré, ou Relation des troubles arrivés en Bretagne depuis l’an 1589 jusqu’en 1598 », dans Dom Morice et Dom Taillandier, Supplément aux Preuves de l’histoire de Bretagne, T. III.