Le successeur de Vincent Arnoux resta moins longtemps à Rennes que ce dernier. Il s’appelait Paul Émile Collet et était bachelier ès lettres.
Il avait auparavant, en février 1893, été nommé pasteur à Saint-Géniès de Malgoirès (Consistoire de Saint-Chapte, dans le Gard, entre Nîmes et Montpellier. C’était une paroisse rurale de la région de la Gardonnenque, de tradition libérale.
Le conseil presbytéral de Rennes accepta sa nomination le 6 juin 1897. Son dossier personnel, conservé aux Archives nationales, atteste d’un grand sérieux. : « Les antécédents de M. COLLET sont irréprochables. Sa conduite, privée publique, est à l’abri de toute critique. Il professe des opinions républicaines », répondit le préfet du Gard au ministre des cultes, le 27 juillet 18971.
Le pasteur Collet reçut sa nomination à Rennes par décret du 31 juillet 1897.
L’essentiel de ce que nous savons de son court ministère en Bretagne a trait à l’Affaire Dreyfus.
Le capitaine Dreyfus avait été injustement condamné pour trahison en 1894, uniquement à cause de ses origines juives, et déporté en Guyane. Un comité de soutien où figuraient Émie Zola et des notabilités protestantes comme le sénateur alsacien Scheurer-Kestner, réussit à obtenir un premier procès en révision. L’affaire passionna le pays et le déchira. Les conséquences à long-terme des affrontements politiques de cette période sont considérables et éclairent bien des choix politiques encore aujourd’hui. Notons que c’est lors de l’affaire Dreyfus que Théodore Hezrl élabora la doctrine sioniste et que les plus farouches opposants au capitaine forgèrent l’essentiel des thèmes qui allaient tristement se développer lors de la collaboration avec les Nazis.
Paul Émile Collet s’engagea résolument dans le camp des soutiens à Alfred Dreyfus. Il est un des membres fondateurs de la section rennaise de la Ligue des Droits de l’Homme.
Lors du premier procès en révision qui se tint en 1899 à Rennes, Paul Émile Collet se chargea de l’hébergement de la famille du capitaine Dreyfus. Le pasteur lui trouva une « maison bourgeoise avec un jardin chez une veuve Godard, protestante » Victor Bash, un ami très proche du capitaine, relate également que le pasteur Collet a fourni à Mme Dreyfus « une robuste servante », membre de sa congrégation2.
Un tel soutien de la part du pasteur n’était pas sans risque. Rappelons que l’avocat de Dreyfus, Me Labori, échappa de peu à la mort lors d’un attentat fomenté par les « anti-Dreyfusards ».
Le pasteur Collet ne resta pas longtemps en poste à Rennes. Le 13 octobre 1889, il informa le consistoire, « qu’il se voyait « contraint, par des raisons familiales impérieuses, de se démettre de ses fonctions de pasteur de la paroisse de Rennes et de se séparer d’un troupeau auquel il était si sincèrement attaché.3« .
Il est pasteur nommé à Toulon par un décret du 20 janvier 1900.
1 Archives nationales F/19/10365,
2Michel Denis, Michel Lagrée, L’affaire Dreyfus et l’opinion publique : en France et à l’étranger, PUR, Rennes, p. 76.
3 Archives nationales F/19/10365.