Bonaventure de la Muce

Bonaventure de la Muce (vers 1525-1591), un sage huguenot…

      Bonaventure de la Muce était relativement peu connu jusqu’à ce que Jean-Luc Tulot découvre son testament moral conservé dans les archives du château de la Chauvelière, à Joué-sur-Erdre. On savait pourtant le rôle joué par ce seigneur huguenot dans le développement du protestantisme à Nantes et dans le pays de l’Erdre après 1560. Mais désormais, on en sait beaucoup plus sur l’homme, fondateur d’un grand lignage réformé, fidèle jusqu’à la fin : son descendant, Olivier de la Muce, s’est exilé en Virginie, après avoir été emprisonné pour sa foi.

     L’aïeul de Bonaventure est Guillaume Chauvin, chancelier de Bretagne, ministre et conseiller du duc François II et organisateur de « l’État breton ». Son fils Jean Chauvin, le grand-père de Bonaventure, épousa Françoise de la Muce (ou de la Musse), héritière de cette grande seigneurie et du château du Ponthus dans la paroisse de Petit-Mars. Ses descendants, dont notre Bonaventure, portent le nom et bientôt le titre de chevalier banneret de la Muce.

     On ne sait exactement la date de naissance de Bonaventure, sans doute vers 1525. On sait qu’il hérite du domaine en 1543 et qu’il se marie l’année suivante avec Françoise Pantin. Il se convertit très tôt au protestantisme, probablement dès les années 1558-1560. Son nom est immédiatement associé à l’Église réformée de Nantes puisque le roi Charles IX lui accorde en 1565 le droit d’établir le prêche aux portes de la ville sur une des terres de Bonaventure, au Plessis du Bois de la Muce, en Chantenay. Mais la prise d’armes de 1567 met fin à ce compromis.

     Bonaventure Chauvin apparaît comme un modéré au sein des guerres de religion : il ne semble pas avoir pris les armes, et il jouit de la confiance des Valois. Mais lorsque l’Édit de Nemours le met dans l’obligation d’abjurer en 1585, il préfère s’exiler et s’enfuit à Jersey, où il rédige son testament moral vers 1588. Ce texte de très haute valeur spirituelle et sociale, qui a fait l’objet d’une étude dans les Annales de Bretagne, témoigne de la sagesse et de l’intelligence de Bonaventure de la Muce. C’est, un « honnête homme », profondément pénétré des valeurs de son milieu et de sa Foi », pour reprendre une expression d’Alain Croix[1]. Le coeur de son leg spirituel est celui-ci : « Je ne sache recette pour conserver et accroître sa maison si seure que ceste cy : […] craindre Dieu, luy servir de coeur pur et afectioné, fuir les vices et les chasser de toute la famille, principalement les paillardises et sus toutes l’adultère et aultres débordées, les blasphèmes, l’usure, usuppation, l’opression des povres, la conivance aux riches,  meschants, meurtres et traïsons, et sur toutes choses, idolâtrie et tout ce qui en dépand[2]« .

     L’arrivée au pouvoir du roi Henri IV l’année suivante fait accéder notre Breton aux plus hautes responsabilités. Le Béarnais l’admet à son conseil privé et en fait son chambellan. Surtout, Bonaventure de la Muce devient gouverneur de la place de Vitré au moment où cette forteresse est la pièce maîtresse du dispositif royal en Bretagne.

     C’est là qu’il meurt le 3 mars 1891. Ses descendants, zélés huguenots, veillèrent à assurer la permanence de l’exercice protestant au château du Ponthus jusqu’à la Révocation.

     Jean-Yves Carluer


[1] Jean-Luc Tulot, Roger Nougaret, Alain Croix, « Noble, Huguenot et Père de famille : le testament moral de Bonaventure de la Muce (vers 1588) », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 1993, pp. 27-48.

[2] Idem, p. 36.

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