L’évangélisation populaire à Rennes, 1879-1894 -1

Le pasteur Vincent Arnoux, débordé de travail et harassé par l’étendue d’une paroisse qui dépassait les limites de son département, s’essaya pourtant à développer l’évangélisation ouvrière dans sa ville de Rennes.

1879 : un succès imprévu et fugace…

Nous avons abordé dans un autre article la très intéressante mission d’évangélisation du pasteur écossais Alexander Somerville à Saint-Malo et Rennes1. Cet effort avait été coorganisé par la Société Centrale Protestante d’Évangélisation et la Mission Populaire Évangélique que le Rev. McAll venait de fonder à Paris. Nous renvoyons le lecteur à cet article. La mission Alexander avait débuté sur la côte d’Émeraude en liaison avec les chapelles méthodistes du lieu, avec un tel succès que le pasteur Arnoux avait voulu la prolonger à Rennes. Quoique largement improvisée, elle avait finalement rassemblé 1800 personnes dans la patinoire de la ville. Faute de salles de réunions permanentes et d’évangélistes locaux, en butte à l’hostilité de l’archevêché, cette mission n’avait été qu’un feu de paille. Le pasteur Vincent Arnoux n’avait sans doute pas pris la mesure de l’adaptation culturelle nécessaire à la réussite d’un Réveil en milieu ouvrier, puisqu’il avait demandé l’assistance de la Société Centrale d’Évangélisation qui n’avait plus, à cette époque, le savoir faire nécessaire dans une grande ville. Sans doute les collaborateurs de Robert McAll eussent mieux réussi, mais la culture de la Mission Populaire Évangélique était trop déroutante pour un pasteur réformé originaire de la Drôme.

Au cours des années suivantes, cette même Mission McAll entra en collaboration avec les paroisses réformées de Nantes, Brest, Lorient et Saint-Nazaire. La preuve était bientôt faite que les méthodes révolutionnaires d’évangélisation pouvaient rencontrer quelques succès dans les grandes cités bretonnes.

Du coup, Vincent Arnoux sollicita également l’intervention de la Mission Populaire Évangélique à Rennes. Mais il était bien tard, et cela ne se concrétisa pas avant 1884. En collaboration avec Vincent Arnoux, la mission MacAll ouvrit un premier local au Numéro 111 de la rue de Saint-Malo, mais ses rapports en parlent peu, signe que le succès a été mitigé. Il faut attendre 1890 pour voir le rapport de la Mission Populaire citer la ville de Rennes, et cela à propos d’un deuxième local, de 50 places dans le nouveau quartier de la gare, près du Pont de Châtillon. Le lancement de ce local a été confié à l’évangéliste Aubanel :

Près du Pont de l’Alma…

pont de l'Alma

L’ancien pont de Châtillon, aujourd’hui Pont de l’Alma

« Les succès de ces travaux, dus au caractère de M. Arnoux, à sa piété et à la connaissance des besoins spirituels des âmes auxquelles il a annoncé l’Évangile, l’ont décidé à ouvrir une nouvelle salle à proximité de la gare, et à s’adresser aux nombreux ouvriers employés par la compagnie du chemin de fer.

La nouvelle salle, pont de Châtillon, a été inaugurée le 4 septembre 1890, en présence d’auditeurs dont la plupart étaient attirés par la curiosité, mais dont l’attitude fut très convenable pendant toute la durée du service. Le lendemain et les jours suivants, leur nombre augmenta sensiblement. Dans cette salle de 70 places, 90 personnes, voire 120 à 130, s’entassèrent, certains ne pouvant entrer restant dans la rue.

Pendant le mois de septembre, temps pendant lequel je (pasteur Aubanel) suis resté à Rennes, la salle rue de St-Malo (70 à 80 auditeurs) a été fréquentée de la manière la plus satisfaisante.

La bénédiction du Seigneur a été si visible sur les travaux des deux prédicateurs, que M. Arnoux juge nécessaire l’ouverture de deux nouvelles salles dans d’autres quartiers de Rennes.

Malheureusement, ce projet ne peut encore recevoir de réalisation2« .

Cette évangélisation s’accompagne des précautions oratoires habituelles à la Mission MacAll :

« Toute attaque contre les institutions et les dogmes de l’Église Romaine était soigneusement bannie des allocutions ».

Les premiers résultats semblent être encourageants :

« Nos réunions ont marché modestement », note bientôt le pasteur Arnoux, « mais en conservant le noyau de personnes sérieuses et attentives qui les fréquentaient. Mais je ne dois pas vous laisser ignorer qu’un aide serait bien utile… »

L’évangélisation populaire bute de nouveau à Rennes sur le manque de collaborateurs et de prédicateurs…

(A suivre…)

Jean-Yves Carluer

1 http://protestantsbretons.fr/docs-cont/ete-1879-un-evangeliste-international-rassemble-1800-personnes-a-rennes/

2  Rapport de la Mission Populaire Evangélique, 1890.