Les guerres déclenchées par la rebellion du duc de Mercoeur après l’accession du roi Henri IV à la tête du Royaume ont été des temps terribles pour les Églises huguenotes de la province. Paradoxalement, elles ont représenté de multiples opportunités pour les gentilshommes calvinistes. Ces derniers ont pu, en cette occasion, réaliser pleinement leur « destin » qui était la guerre1. Bien entendu, à ce jeu cruel, beaucoup ont été perdants, et plus d’un a laissé sa vie au cours des combats tandis que la plupart ont vu leurs châteaux partir en fumée. Mais la tentation était grande de trouver profit dans ce type de conflit. Il y avait, bien sûr, pour les plus cyniques, l’appât du pillage, qui est pour beaucoup d’historiens le véritable moteur du conflit.2 Les plus heureux se virent reconnaître des charges et des titres totalement inespérés pour des représentants de la noblesse seconde. Il est vrai que l’avantage de cette dernière guerre de religion était d’être aux côtés du roi.
Nous présentons ailleurs sur ce site des personnages clés comme Jean du Matz de Montmartin, Bonaventure Chauvin de la Muce ou Yves du Liscouet. Nous étudierons ci-après des capitaines considérés comme beaucoup plus secondaires, mais qui eurent un rôle local parfois essentiel.
Benjamin de La Chapelle, dit « La Mousche », le cadet du seigneur de La Roche-Giffart, n’avait sans doute pas la même envergure. Longtemps lieutenant de Jean du Matz à Vitré, il devint en 1590 gouverneur du château de Saint-Clair en Derval quand celui-ci fut repris par les Royaux. En 1595, il était en garnison à Quimper, puis tint la forteresse éminemment stratégique de Corlay après que le lieutenant général François d’Espinay Saint-Luc s’en fut emparé. Une telle promotion lui fit convoiter la place de son oncle vieillissant à Vitré. En accord avec Anne d’Alègre, il profita de ce que du Matz avait quitté momentanément la ville pour occuper la place en 1596 ! Montmartin en appela au roi qui le confirma comme gouverneur et ordonna à Madame de Laval de le rétablir dans ses fonctions. Anne d’Alègre (décidément toujours aussi velléitaire) obéit avec d’autant plus d’empressement qu’elle s’était fâchée entre-temps avec son preux défenseur… La Mousche est un de ces aventuriers « sans peur, sinon sans reproches » que décrit B. Pocquet3. La Mousche se rendit coupable de pillages, comme le sac, le 3 mai 1596, du manoir de Kerauffret près de Callac4. Benjamin de La Chapelle fut inhumé le 7 juin 1597 à la collégiale de Vitré.
Le fils de Jean du Matz, Philippe Montmartin de Terchant, eut des responsabilités de plus en plus importantes à partir de 1594 puisqu’il était mestre de camp lors de l’affaire de Crozon.
René du Boays, sieur de Mesneuf, né du premier mariage de Julien du Boays avec Jeanne de Romilley, fut de toutes les campagnes. En 1585 après la déroute d’Angers, il suivit le Prince de Condé dans son exil à Guernesey. C’est dans cette île que son épouse, Catherine de la Roussardière, donna le jour à une fille, Elisabeth, baptisée le 24 septembre 1587 à Saint-Peter’s port. Anne et Paul, leurs autres enfants furent baptisés les 1er juin 1590 et 2 juillet 1595 à Vitré, où René du Boays était lieutenant du gouverneur Jean du Matz de Montmartin, tâche importante dans la mesure où son supérieur chevauchait abondamment dans le Royaume.
Léonard de Vauborel, Sieur du Roye et de Breilmenfany, fit parler de lui en étant un des premiers à se jeter dans Vitré pour organiser la défense de 1589. Ce personnage peu connu (B. Pocquet, dans l’Histoire de Bretagne, le nomme Breilmanfany (avec un a) à la page 107 et Breilmenfany (avec un e) à la page 113) joua un rôle non négligeable. Il était l’époux de Jeanne de Couaisnon et mourut le 15 octobre 1615. Le manoir de Breilmenfany se trouvait en Mondevert, dans le pays de Fougères5 . Il participa à bien d’autres combats et le roi le fit gouverneur de Châtillon en Vendelais.
Pierre Perrin de La Courbejollière quitta le château familial de La Vivandière, sur les marches de Bretagne, près de Clisson, pour rejoindre l’armée du Béarnais dont il fut, aux dire de Régis de L’Estourbeillon, un des meilleurs capitaines.
Il faudrait citer aussi David de La Muce-Ponthus qui s’illustra à la prise de la Pointe des Espagnols. Il était le gendre de Charles Gouyon et le beau-frère de René de Montbarot6. Il mourut de la dysenterie le 10 décembre 1594 à Morlaix ; son épouse lui survécut longtemps puisqu’elle décéda le 14 mars 1625 au château du Ponthus en Petit-Mars7.
D’autres religionnaires eurent encore un rôle important : Paul de Chamballan, le gendre de Louis de La Chapelle, Charles de Bellouan dit d’Avaugour, qui se fit connaître en 1589 à la prise de Beauvoir-sur-mer et dont il resta le gouverneur8 et bien d’autres encore, restés quasi anonymes comme Isaie Le Maistre de La Garelaye, « tué dans les guerres de la Ligue, tenant le parti du Roi »9.
(à suivre)
1Denis Crouzet évoque même un « besoin sacral de la guerre » (La Genèse de la Réforme Française, Belin sup, 2008.
2J. R. Major, « Noble income, inflation, and the wars of religion », French Historical Studies, 1986, p. 391-408. Jean-Marie Constant, La Noblesse en liberté, PUR, 2004.
3 Barthélemy Pocquet du Haut-Jussé, Histoire de Bretagne, Paris 1895, T. V, p. 293.
4 F. Luzel, « Mémoire des excès commis à Kerauffret en 1596-1597 », Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, T. XIX, 1892, p. 132-146.
5 E. Frain de La Gaulayrie, « Les du Vauborel, normands et bretons », Revue historique de l’Ouest, T. I-III, 1885-1887)
6 David de La Muce avait épousé en première noces le 8 mars 1592 à Vitré, Philippote Gouyon, née en 1575. Elle mourut dans l’année de leur mariage. David se remaria le 23 novembre 1593 à Vitré avec Sarah, la cadette des Baulac. Le contrat de mariage fut signé le 7 novembre 1593 à Rennes en l’hôtel de la Comtesse de Laval.
7 Jean Luc Tulot, « Une famille de Gentilshommes protestants du Comté nantais : les Chauvin de la Muce-Ponthus », Cahiers de généalogie, S.H.P.F. N° 24, quatrième trimestre 1988, p. 1203-1204.
8 De La Chesnaye-Desbois, Dictionnaire de la Noblesse, T. IX, p. 401.
9 Charles d’Avaugour et Paul de Chamballan, de Rougé étaient beaux-frères. Ils avaient épousé respectivement Renée et Esther de La Chapelle, les filles de Louis de La Roche-Giffart.