La première tournée de colportage biblique en Bretagne (novembre 1833-avril 1834).
Au cours de l’hiver 1833-1834, le pasteur Achille Le Fourdrey, tout nouvellement installé à Brest par la Société Évangélique de France, supervisa un tour assez complet de colportage en Bretagne. Le rapport, hélas trop bref, de l’entreprise est résumé dans le rapport de cette société paru au printemps 1834. Le pasteur avait chargé un de ses paroissiens, dont nous ne connaissons pas le nom, de réaliser l’entreprise. Il est assez probable que le colporteur anonyme de 1833-34 soit un jeune protestant brestois nommé Loyer, mentionné justement comme colporteur de la Société Évangélique de France en Bretagne sous la direction de Le Fourdrey au cours des années suivantes.
Parti de Brest, il visite d’abord les villes du sud, mais ne dépasse pas Lorient. il repart en janvier 1834 vers Rennes en empruntant la route royale, c’est-à-dire la nationale 12, tout en proposant l’Écriture sainte le long du chemin et en parcourant les rues des cités traversées sur la route.
Cette tournée se révèle extrêmement fructueuse. Elle a permis de distribuer nombre d’exemplaires de la Bible. Le clergé catholique, alors opposé à la libre diffusion des Saintes Écritures, avait été visiblement surpris. On ne sait pas, hélas, à partir des sources dont nous disposons, si le colporteur proposait des Nouveaux Testaments en langue bretonne traduit en 1827 par Le Gonidec. Ce qui est certain c’est que la sacoche de notre évangéliste itinérant comprenait des versions Ostervard ou Martin et des Nouveaux Testaments Lemaistre de Sacy.
Mais l’enjeu essentiel de la tournée était autre et a été pleinement atteint. Car, dans ce type de circonstances, le colporteur agissait en éclaireur. Il était chargé par Achille Le Fourdrey de découvrir des familles protestantes isolées dans les diverses cités de la province. C’était, à l’époque, le seul moyen de les contacter. Le colporteur, très efficace, s’est transformé en enquêteur, remontant dans chaque ville les réseaux familiaux ou de sociabilité qui s’étaient constitués spontanément entre coreligionnaires protestants. Il est capable de contacter à Rennes, à la fin de sa tournée, des représentants de différentes confessions issues de la Réforme qui y résident (Anglicans, Réformés, ou Calvinistes des Grisons…) et de recevoir leurs souhaits.
Encore quelques mois, et la Société Évangélique de France installe à Rennes le 21 septembre 1834 le pasteur Filhol, avant de s’intéresser à Lorient. La réimplantation du protestantisme commence en Bretagne.
Jean-Yves Carluer
« Nous avons encore à vous parler d’un neuvième ouvrier, employé par notre Société dans un champ bien vaste et bien nouveau pour l’évangélisation. Ce champ, c’est la Bretagne […] Ce champ, bénissons-en Dieu !, est ouvert, et un de nos colporteurs y est entré pour y répandre la semence incorruptible par laquelle les âmes sont régénérées. Déjà deux essais de colportage y ont été faits, qui ont eu des résultats bien encourageants. L’un des membres de l’Église de Brest, agissant sous la direction du pasteur de cette ville, se rendit en novembre à Quimper, et ensuite à Quimperlé et à Lorient. Outre un certain nombre de Bibles et de Nouveaux Testamens (sic) qu’il vendit, il plaça dans les divers lieux qu’il visita une grande quantité de traités religieux et d’autres livres de piété qu’on acheta avec empressement. A Quimper surtout, on lui manifesta un grand désir de connaître et de lire les Saintes Écritures. En général, les personnes de la classe la plus éclairée lui achetèrent ou la Bible ou le Nouveau Testament, montrant le plus vif intérêt à faire cette acquisition, et tout donne lieu de croire qu’un bien plus grand nombre d’exemplaires du volume sacré seront facilement distribués dans cette contrée.
Cette première tentative de colportage a été suivie d’une autre dont le succès n’a pas été moins réjouissant. Sur la fin de janvier, le même ouvrier partit pour aller visiter Rennes, en passant par Landerneau et Morlaix, Lannion, Guingamp, Saint-Brieuc, Lamballe et Dinan. Dans ces divers endroits, et les petites villes intermédiaires qui se trouvent sur cette route , il vendit un bon nombre d’exemplaires de la Parole de Dieu, et put se convaincre qu’en y prolongeant son séjour, il en aurait vendu beaucoup d’autres encore. Il est peu de ces villes où il n’ait trouvé quelques familles protestantes, même en nombre dans quelques endroits, et presque toutes affligées d’être privées des avantages du culte, et désirant ardemment d’être visitées. Avec le Livre par excellence, notre colporteur laissa derrière lui bien des traités religieux et d’autres livres d’édification qu’on était joyeux d’acheter. A Rennes, non moins qu’ailleurs, il trouva des dispositions favorables à la dissémination des Saintes Écritures, et se mit en rapport avec un assez grand nombre de personnes de communions différentes, qui lui exprimèrent également un vif désir de voir s’établir à leur portée le culte selon l’Évangile. En résumé, il y a raison de croire, d’après les deux essais faits en Bretagne, qu’il y a dans ce pays une porte ouverte aux saintes doctrines de la Bible, et qu’un prédicateur qui les y annoncerait fidèlement, rassemblerait autour de lui des auditeurs attentifs.
Société Évangélique de France, Rapport de 1834, pp. 27-28.