Renée de Rieux (1524-1567)

Renée de Rieux : Un  destin fracassé.

 

    Renée de Rieux (1524-1567), dite Guyonne XVIII de Laval,  ne doit pas être confondue avec son homonyme Renée de Rieux (1550-1596), dite « la belle Châteauneuf », descendante d’une autre branche de la famille.

    Fille du comte d’Harcourt et de Catherine de Laval, elle devient en 1547 l’héritière de son oncle, le très riche Guy XVII de Laval. Elle abandonna, suivant la Coutume de Bretagne, la succession des Rieux à sa sœur cadette Claude, l’épouse de François D’Andelot. Renée de Rieux était donc comtesse de Laval, de Monfort, de Quintin, vicomtesse de Rennes, baronne de Vitré, sans compter de multiples seigneuries : Tinténiac, Bécherel, etc…  Elle pouvait disputer aux Rohan le titre de plus grand seigneur breton.

    A partir de 1547, Renée revendique donc le prénom dynastique des Laval, Guy, sous sa forme féminisée, Guyonne. Elle avait épousé six ans plus tôt, en 1541, Louis de Sainte Maure, marquis de Nesle et comte de Joigny.

    Depuis les recherches de Malcolm Walsby[1], on en sait un peu plus sur le processus qui porta Renée de Rieux vers le protestantisme. L’historien La Borderie[2] avait déjà remarqué au XIXe siècle que le couple allait très mal. Dans son ouvrage sur Vitré, il avait repris la légende noire de « Guyonne la folle », enfermée, divorcée, finalement excommuniée à la demande de son mari : « la pauvre tête de Guyonne ne résista pas à ce coup ; pour se venger du pontife qui la rappelait à son devoir d’épouse, elle se jeta dans l’hérésie. C’est par cette porte que le Calvinisme rentra à Vitré »[3]. Malcolm Walsby nous offre un tout autre portrait de Renée/Guyonne.

    C’était une jeune-fille élégante, selon le chroniqueur Chappuys, « une des demoiselles qui sont en cour ce qu’au ciel les étoiles, nymphe de corps, déesse du maintien ». Elle est mariée à l’âge de 16 ans à un mari contrefait et violent.

Renée de Rieux. Dessin attribué à l’école de Clouet

Quelques années plus tard, le conflit conjugal éclate à propos de contentieux politiques et administratifs relatifs aux comtés de Laval et Vitré. Le marquis de Nesle semble en avoir refusé les usages et les réseaux locaux de pouvoir, que, tout au contraire, Renée veut faire perdurer. Elle entend, pour cela, diriger elle-même ses terres et ses villes. Elle finit par obtenir délégation de gestion de ses comtés et y installe un personnel dévoué. La décennie 1547-1557 est faite de rebondissements : procès, séparation, tentatives d’enlèvement, décisions contradictoires… Renée est soutenue par sa sœur Claude et ses beaux-frères Châtillon. Le marquis de Nesle la somma de revenir auprès de lui, et fit rendre un arrêt au parlement pour l’y contraindre. Sur son refus, il obtint de Paul IV une bulle d’excommunication le 20 février 1557. On peut imaginer que la conversion au protestantisme de François d’Andelot et des Châtillon, soutiens de Renée, ait influencé la décision romaine défavorable à la comtesse. Désormais, Renée n’a plus aucune raison de rester catholique. Elle se tourne vers la Réforme et soutient l’Église naissante de Vitré, sans prendre, cependant, aucune mesure à l’encontre de la religion traditionnelle. Au début de 1559, nous voyons Renée de Rieux répondre à la requête du pasteur de Rennes, Dufossé, et intervenir en faveur d’un jeune homme de Marcillé (une paroisse proche) qui était incarcéré à Rennes pour avoir mal parlé du catholicisme. Le pasteur Dufossé orienta une partie de son ministère vers Vitré. Il y prêcha régulièrement, et, le 1er Mai 1559, il organisa l’Église, établit la discipline et fit élire quelques anciens. Malgré la protection de la comtesse de Laval, les réunions se tenaient de nuit et très probablement derrière les murailles du château.

    Les aventures de Renée de Rieux (Guyonne XVIII) n’étaient pas terminées : saisie par Nesle vers 1562, elle est enfermée au donjon de Joigny et présentée comme folle. Mais la jeune femme avait quelques ressources : elle s’évade en 1566 après avoir gagné son geôlier, Jean Godefroy, finalement récompensé de 30 écus pour sa collaboration. Renée ne profite pas longtemps de sa liberté : elle meurt quelques mois plus tard. Vitré et Laval restaient entre des mains protestantes, puisqu’ils passaient à ses jeunes neveux, fils de sa sœur Claude de Rieux, sous la tutelle de François d’Andelot.

    Loin de la légende traditionnelle, la vie de Renée de Rieux illustre un parcours étonnement moderne d’une femme qui voulut prendre en main sa foi et son destin, en des temps tragiques où elle se trouva, malgré sa richesse et ses titres, victime de multiples violences féodales.

Jean-Yves Carluer

[1] Malcolm Walsby,  The Counts of Laval : Culture, Patronage and Religion in Fifteenth and Sixteenth-Century France, Ashgate, Aldershot, 2007.

[2] Arthur De la Borderie, Le Calvinisme à Vitré, Rennes, 1851.

[3] La Borderie, op. cit., p. 2

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