Mission pentecôtiste en Pays bigouden en 1932

1932 : le « Réveil » pentecôtiste en pays bigouden

 

     En cette fin d’année 1932, le pentecôtisme, porté par le pasteur Douglas Scott, réalise une avancée spectaculaire en France. Plusieurs communautés protestantes, dans tout le pays, demandent la venue de cet évangéliste britannique qui déplace les foules attirées par les guérisons relatées lors de ses missions.

     C’est également le cas dans le sud-Finistère. La veuve de William-Jenkyn Jones et son successeur, le pasteur Williams, contactent Douglas Scott. Mais celui-ci, débordé, ne peut que leur proposer la venue de deux très jeunes collaborateurs (20 et 22 ans), André Nicolle et André Maret. Les résultats ont été spectaculaires. L’assemblée pentecôtiste de Léchiagat, toujours bien vivante, est la troisième plus ancienne de France. André Nicolle, après avoir trouvé épouse à Léchiagat, s’est établi à Paris et est devenu rapidement un des leaders du pentecôtisme français. Son collègue, André Maret, est le fondateur des Églises Évangéliques de Réveil, en Suisse.

André Maret en 1934

André Maret en 1934

    On notera, dans le récit ci-dessous, l’absence de place faite à la guérison divine, et, par contre l’importance décisive des chants nouveaux apportés par les deux évangélistes. En 1932, le pays bigouden est à la recherche d’une modernité qui se manifeste alors par l’impact des idées communistes sur la côte.

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André NIcolle en 1934

André NIcolle en 1934

La mission presbytérienne, dite méthodiste-calviniste britannique, qui avait pourtant suscité un « Réveil » à Lesconil et Léchiagat une génération plus tôt, se trouvait déjà confrontée à une obsolescence culturelle : prédication et chants en langue bretonne dont les jeunes ne voulaient plus, personnel vieillissant… L’arrivée des deux jeunes gens, un soir de tempête, produit un électrochoc.

     La mission presbytérienne galloise est largement renforcée dans un premier temps par l’apport de la mission pentecôtiste. Ses effectifs font plus que doubler. Mais un schisme, à mon avis inévitable, intervient deux ans plus tard. Les convertis pentecôtistes fondent alors l’Assemblée de Dieu de Léchiagat. Tout autant que les débats théologiques, les raisons en sont culturelles. Pendant longtemps la population locale identifiera les deux Églises comme étant l’une « anglaise » et l’autre « française »…

    Voici le récit de la mission, raconté par les évangélistes, dans le journal pentecôtiste Viens et Vois.

 Jean-Yves Carluer

 Campagne de Bretagne -Léchiagat

     « Nous fûmes mis, quelques jours après notre arrivée en Bretagne, en relation avec Monsieur Williams, pasteur à Pont-l’Abbé. Il nous invita cordialement à venir faire une campagne d’évangélisation dans chacun de ses postes. C’est ainsi que nous arrivâmes le 17 novembre dans le petit village de Léchiagat.

     Le temple de Léchiagat peut contenir 150 personnes assises. Nous étions là à examiner les lieux quand, tout-à-coup, Monsieur Maret prend une résolution.  » Il nous faut faire une réunion ce soir ! », dit-il. Mais comment avertir les gens du village ?  « Ah ! ce n’est pas bien difficile, nous irons chanter des cantiques ».

     Comme il fait nuit, nous prenons une petite lampe de poche, et, arrivés près d’un groupe de maisons, nous entonnons un « choeur ». Une demi-minute passe, une porte s’ouvre et une petite coiffe blanche apparaît, puis 4 ou 5 autres. Bientôt tout le monde est sorti des maisons. Le cantique terminé, nous annonçons la réunion pour le soir même à 7 h. Puis nous continuons notre tournée, qui est bien vite terminée.

     Quand nous revenons, le temple est déjà à moitié rempli, et vers la fin de la réunion nous pouvons compter une centaine d’auditeurs. D’un côté ce sont les hommes, de braves marins qui ne peuvent aller en mer à cause du mauvais temps. Ils ont presque tous cette particularité : c’est qu’une de leurs joues est un peu boursouflée à la base. Je me demande un instant quel est ce genre de maladie, et je finis par m’apercevoir que c’est tout simplement une grosse chique qu’ils mâchonnent tranquillement. De l’autre côté ce sont les dames. Avec leurs hautes coiffes elles donnent à nos réunions un je ne sais quoi d’antique.

     A la première réunion, tous nous regardent un peu curieusement. Il y a une certaine réserve, mais vers la fin les visages se dérident et tous sont bien heureux de chanter nos petits chœurs.

     Le lendemain, nous rencontrons à la sortie du temple un groupe de marins. Ils ont été très contents de la réunion du soir et l’un d’eux nous explique : « nous avons complètement oublié l’air de vos cantiques ». C’est une façon de demander une réunion. Nous la fixons pour l’après-midi à 2 h. 1/2. A l’heure dite, 80 personnes se présentent pour écouter notre message.

     A la réunion du soir, le nombre d’auditeurs a augmenté. Il y a environ 150 personnes. Le samedi, plusieurs personnes restent debout. Il n’y a plus de places. Le dimanche, on ne peut plus y tenir : 200 personnes sont à l’étroit dans la salle.

     L’après-midi nous avions une réunion spéciale pour les enfants. Nous pensions en avoir peut-être une cinquantaine, il y en avait bien 200.

     Pendant la semaine suivante, nous ne savions plus où placer notre monde. Les enfants envahissaient l’estrade. Il était impossible de remuer sans marcher sur quelqu’un. La salle était pleine à craquer. Bientôt, il ne fut plus possible aux gens d’entrer, et nous ouvrîmes les fenêtres pour que ceux de dehors puissent aussi profiter de la prédication de l’Évangile. Les uns avaient apporté des caisses et s’étaient hissés dessus, les autres, avec un tas de planches, avaient fabriqué une espèce de petit tremplin.

     Nos auditoires atteignirent bien 800 personnes, dans ce petit village de 1500 habitants environ.

     Nous sentions la flamme du réveil passer sur toute l’assemblée. Ce furent vraiment des moments inoubliables.

     La semaine d’après, le nombre baissa sensiblement, et le dimanche soir il y avait environ 200 personnes. Nous n’avions plus que deux jours à rester. Le mardi 6 décembre à notre dernière réunion, la salle était de nouveau bondée. Après avoir donné le dernier message et chanté les derniers chœurs, il fallut se séparer ».

      Après avoir décrit les réunions publiques, les deux évangélistes en abordent ensuite les conséquences spirituelles et l’assistance au culte dominical protestant, visualisant les conversions, forcément moins nombreuses.

     « En résumé, durant notre campagne à Léchiagat, nous avons pu voir quelques beaux résultats. Le groupe fréquentant le temple était composé d’une quinzaine de personnes. Le premier dimanche au culte il y en eut 12. Nous avions annoncé le vendredi et le samedi que les personnes qui venaient déjà régulièrement et celles qui voulaient accepter l’Évangile, étaient invitées cordialement à venir. Au premier culte il y avait déjà 3 étrangers. M. Williams avait transformé ce culte en réunion de prières. Les membres de l’Église n’avaient jamais prié publiquement, et malgré les demandes pressantes de leurs pasteurs, toutes les bouches restèrent closes.

     Le second dimanche, le nombre avait déjà grossi. Il y avait environ 25 personnes. Mais ce qui réjouit le plus nos cœurs, ce fut d’entendre les prières monter vers Dieu. Presque tous les anciens membres se décidèrent à remercier le Seigneur.

   

Quelques Bigoudènes dans l'assistance d'un service de baptêmes d'adultes sur la grève de Léchiagat en 1957.  Il s'agit d'un service pentecôtiste. L'homme à droite est le pasteur Paul Rainaud, de Douarnenez.  Cliché communiqué par M. Gloaguen.

Quelques Bigoudènes dans l’assistance d’un service de baptêmes d’adultes sur la grève de Léchiagat en 1957. Il s’agit d’un service pentecôtiste. L’homme à droite est le pasteur Paul Rainaud, de Douarnenez. Cliché communiqué par M. Gloaguen.

  Au culte du 3e dimanche, nous étions bien une soixantaine, et deux personnes nouvellement converties joignirent leurs prières à celles des autres. M. Williams demanda ensuite aux anciens membres de l’Église et aux nouveaux quels étaient ceux qui désiraient persévérer dans l’Évangile de se lever. Neuf nouvelles converties furent de ce nombre.

     Nous avons eu aussi l’occasion de tenir quelques réunions en plein air. La première eut lieu à Kérity. Les gens nous écoutèrent avec un réel plaisir et nous pressèrent de revenir. Puis ce fut à Audierne où nous eûmes un très bel auditoire. Et enfin la dernière au Guilvinec. Là, les catholiques furent vivement intéressés par nos témoignages.

     Voilà ce que le Seigneur a fait parmi nous. Qu’il soit loué à jamais !

     Priez pour que Dieu nous soutienne. Là où le Saint-Esprit travaille, Satan se révolte et bientôt nous devrons subir ses assauts désespérés ».

      A. Maret et  A. Nicolle. (Viens et Vois, décembre 1932, pp. 201-203).

2 réponses à Mission pentecôtiste en Pays bigouden en 1932

  1. le floc'h dit :

    bonjour

    site très intéressant !!

    « André Nicolle, après avoir trouvé épouse à Léchiagat, »

    Germaine Bourligueux, (qui m’est apparentée), son épouse est de lesconil , commune de 29740 Plobannalec, et non de Lechiagat
    ils se marient le 4/4/1934 mairie de Plobannalec …

    @+

    • Jean-Yves Carluer dit :

      Merci pour ces informations qui me corrigent ! Germaine Bourligueux était effectivement de Lesconil en Plobannalec, commune voisine de Tréffiagat où se situe le port de Léchiagat.

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