Le passé protestant du château de la Gascherie, en La Chapelle-sur-Erdre
C’est un des joyaux architecturaux qui bordent les rives de l’Erdre, au nord de Nantes. Il a été édifié en 1480, dans un style pré-renaissance par Jean de Lespervier de Briord, père d’un grand-veneur du duc de Bretagne. La reine Marguerite de Navarre y aurait séjourné lors de sa visite de Nantes en 1537. Ce serait la première manifestation d’une présence protestante derrière ses hautes fenêtres à meneaux.
Jean puis Arthur de Lespervier étaient les aïeux maternels du célèbre Bayard Huguenot protestant, François de La Noue. A défaut d’être né à La Chapelle-sur-Erdre, il y fut baptisé[1].
François de La Noue, trop occupé à ses devoirs militaires, résida peu à La Gascherie qu’il avait hérité de sa mère. Mais le château resta longtemps un refuge pour les protestants de Nantes avant même que le Le Duc de Mercoeur ne s’en empare. Le premier noyau des huguenots de la ville semble s’y être assemblé occasionnellement pour des prêches, notamment vers 1563 quand d’autres lieux plus proches leur étaient interdits.
Lors de la Paix de Saint-Germain (août 1570), les protestants nantais durent se contenter de ce lieu d’exercice, et encore était-il menacé par une procédure diligentée par l’évêque : la seigneurie n’était pas un fief de haubert et donc sans haute-justice, et le droit d’exercice s’y maintenait seulement, selon Crevain, « soit par tolérance, soit par octroi de la part des magistrats et des commissaires[2]« .
Pour Roger Joxe, dans son histoire des protestants du comté de Nantes, le château de La Gascherie appartenait alors au vicomte Henri de Rohan. Pourtant le contrat de mariage de Charles Gouyon et d’Anne de La Noue atteste que le domaine était toujours la propriété des La Noue à la fin du siècle. Selon ce contrat signé le 19 décembre 1592, il devait servir de dot à la mariée et aurait dû passer ensuite à leurs enfants. Mais le couple n’avait pas de descendants vivants quand vint le temps de la succession.
Après la mort de son père François de La Noue, ruiné pour le service de l’État, son fils Odet, le frère d’Anne, dut se résigner à vendre le château de La Gascherie au lendemain de l’Édit de Nantes. Le domaine passa alors entre des mains catholiques. Les propriétaires du XIXe siècle l’agrandirent en style néo-gothique.
Le château de La Gascherie ne se visite pas, mais il est aujourd’hui au centre d’un cercle hippique réputé.
[1] Acte transcrit par Dominique Cheguillaume, dans les Cahiers généalogiques du Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, 1992. N° 38
[2] Crevain, Histoire ecclésiastique, p. 169.