Le portrait de Claude de Maure

     Le comte Claude de Maure (1517-1563) est assez probablement le premier des grands seigneurs bretons à avoir embrassé le protestantisme. Nous l’avons présenté brièvement dans un autre article de ce site, consacré à Jean Curie, clerc de la cathédrale de Rennes, qui l’avait conduit vers la Réforme. Mon collègue Rainer Henrich, de l’université de Zurich, a retrouvé, en effet, la trace de la visite de Claude de Maure et de son secrétaire Louis Marchand au Réformateur suisse Conrad Pellican le 23 mars 1548.

Le vitrail de la Passion à Montrelais. Le thème représenté est l'attestation de la divinité du Christ. Parmi les "attestants", le principaux souverains de l'époque, dont François Ier (verrières du côté droit). Au niveau inférieur droit, les donateurs. N'en subsistent que les visages, à la suite de destructions contemporaines de la partie inférieures de l'oeuvre. Les trois têtes, dans le coin droit, sont celles des enfants de François de Maure.

Le vitrail de la Passion à Montrelais. Le thème représenté est l’attestation de la divinité du Christ. Parmi les « attestants », les principaux souverains de l’époque, dont François Ier (verrières du côté droit). Au niveau inférieur droit, les donateurs. N’en subsistent que les visages, à la suite de destructions contemporaines de la partie basse de l’oeuvre. Les trois têtes, dans le coin droit, sont celles des enfants de François de Maure.

     Je dois à un autre de mes correspondants une nouvelle découverte, le portrait de Claude de Maure. M. Dimitri Bourget a fait la relation entre ce récit et un visage du vitrail de l’église Saint-Pierre de Montrelais (Loire-Atlantique), dans le pays d’Ancenis.

     Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un grand notable protestant soit représenté sur une maîtresse vitre d’un lieu de culte catholique, surtout si cette œuvre d’art est antérieure à la conversion du personnage au Calvinisme. C’est le cas, par exemple, d’Isabeau d’Albret, vicomtesse de Rohan (1513-1560), dont la seule figuration connue est conservée sur la verrière de la Passion dans l’église paroissiale de La Martyre (Finistère).

     L’église de Montrelais a été édifiée à partir de 1525 par François Ier de Maure et Hélène de Rohan, qui étaient seigneurs du lieu. Montrelais, châtellenie d’ancienneté parfois qualifiée de baronnie, était une des principales terres des comtes de Maure. L’église Saint-Pierre, maintes fois remaniée et restaurée, a conservé son chœur de l’époque de la renaissance où se situe notre vitrail, daté de 1535 et classé monument historique depuis 1907.

Claude, Jeanne et Françoise de Maure

Les trois enfants de François de Maure. De gauche à droite : Claude, Jeanne et Françoise. Photo Dimitri Bourget.

     L’abbé Arthur Bourdeaut (1873-1944), grand érudit du début du dernier siècle, a identifié en 1929 la plupart des personnages représentés sur le grand vitrail de la passion. Il y a été aidé par un document de 1623 relatant une visite solennelle à Montrelais de l’arrière-petite-fille du fondateur venant y faire reconnaître ses droits. Louise de Maure (1575-1643), épouse de Gaspard de Rochechouard, marquis de Mortemart[1], se rendit dans l’église paroissiale entourée de sa suite : « Au bas du vitrail, [elle] leur montra les figures que nous y voyons encore et leur apprit que c’étaient les portraits de ses aïeux : François de Maure et Hélène de Rohan, sa femme; ayant à leur suite, Claude de Maure, aïeul de ladite dame et deux filles issues de leur mariage : Jeanne, mariée en 1538 à Jean du Quellenec, baron de Pont-L’Abbé, et Françoise, femme de Jean du Guiny de la Garoulaye« [2].

Claude de Maure

Claude de Maure représenté en 1535 sur le vitrail de Saint-Pierre de Montrelais. Photo Dimitri Bourget.

     Les représentations des visages sur le vitrail sont parfaitement conformes à ce que l’on peut attendre de la chronologie : Claude de Maure était âgé de 18 ans environ en 1535.

     Voici donc clairement identifiés, non pas un, mais deux représentants éminents de la Réformation en Bretagne. Car il faudra aussi parler de la sœur de Claude, Jeanne, qui introduisit le protestantisme à Pont-L’Abbé par l’intermédiaire de son fils, Charles du Quélennec.

  Jean-Yves Carluer

[1] Pour la petite histoire, signalons que cette Louise de Maure, petite-fille de notre huguenot, a été elle-même la grand-mère de la célèbre Françoise Athénaïs de Rochechouart, plus connue sous le titre de Mme de Montespan, qui donna plusieurs enfants à Louis XIV. Par une de ses filles, dite la Seconde Mademoiselle de Blois, la descendance des comtes de Maure se retrouva plus tard dans la dynastie des Orléans, des comtes de Paris et de la famille royale de Belgique, entre autres.

[2] Abbé Bourdeaut, « Les vitraux de Saint-Pierre de Montrelais », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Inférieure, Rennes, 1929, p. 11.

 

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