Suite et fin de la transcription des actes du synode de Ploërmel
Nous achevons ici la publication des actes de cette très intéressante assemblée des responsables protestants de la province de Bretagne. Dans cette dernière partie, les sujets abordés échappent au classement rigoureux annoncé par le secrétaire qui avait rédigé le texte. Sans doute avaient-ils été discutés lors du dernier jour de la session.
Le synode provincial aborda, une fois de plus, un litige entre une assemblée et son pasteur :
Sur la requête faicte par l’Église de Vieillevigne et des fidèles des lieux de Montagu […] et Rocherneuf [La Roche servière ?][1] et pour les causes en icelle, le diacre de l’Église de Nantes sur ce ouy, qui du tout se seroit raporté à l’advis de ceste assemblée, a esté nyé par Philippes Saint-Hilaire, sieur de la Trugonnière, à présant ministre en l’Église de Nantes donné pour pasteur à ladite église parce qu’il demeurera encore à Nantes pour trois mois attendant que ladite église soit pourvue.
Ce conflit opposait l’Église de Vieillevigne à son ancien pasteur, Philippe de Saint-Hilaire, qui s’était rendu à Nantes et où il avait été accepté comme ministre du culte et où il sera apprécié. Son départ avait-il été alors motivé par quelques tensions internes ? On ne le sait. Mais, après l’affaire Chambry (voir plus haut), l’Église de Vieillevigne avait besoin d’un ministre du culte et redemandait son ancien pasteur, ce qui posait problème. Philippe de Saint-Hilaire était un théologien d’un très haut niveau intellectuel. Il soutint à Nantes des débats contradictoires avec les meilleurs représentants du diocèse, en présence de la plus haute société de la ville. Il était probablement en meilleure place à Nantes, la capitale de la province, qu’à Vieillevigne. C’est ce que durent penser ses collègues, à juste titre sans doute.
Nantes avait un urgent besoin d’encadrement spirituel comme l’atteste la demande qui poursuit le texte :
« Sur la remonstration du diacre de Nantes que pour la grandeur de l’Église dudit lieu a esté requis un aide au pasteur qui y demeurera : a esté accordé monsieur Loyseau, estudiant à Genève, et ce moyennant le bon plaisir au Seigneur de la Muce ».
Le pasteur Olivier Loyseau était donc définitivement mis à la disposition de l’Église de Nantes, selon ce qui avait déjà été préparé en 1563. La taille et l’extension de la communauté justifiaient cette décision. La mention de Bonaventure Chauvin de la Musse, seigneur du Ponthus, comme hôte du nouveau pasteur, est importante. Elle annonçait une sorte de dédoublement de la communauté réformée nantaise sur deux sites : la ville proprement dite, et le réseau seigneurial des bords de l’Erdre. Cette dichotomie était appelée à se renforcer et s’institutionnaliser au cours du XVIIe siècle. Rappelons qu’il en allait de même à Rennes entre l’Église de la ville et celle d’Ercé-près-Liffré.
Les dernières lignes des actes du synode reviennent sur la résolution des séparations conjugales qui avaient été un axe fort des réflexions des délégués bretons :
« On demandera au consille général si la femme délaissée de son mary, à scavoir de la religion, se peult maryer à un aultre.
On portera les articles et faicts particuliers qui pouront finir (?) à faire articles généraux au consille prochain selon le rancq qu’ils ont esté confessés au sinode de cette province ou par lieux […] commis si besoin est« .
Enfin, selon l’usage, le synode provincial semble se séparer en préparant les prochains rendez-vous :
« Maistre Ollivier Loyseau, ministre de l’Église de Chateaubriand, et Guillaume Talguern, sieur de Cabeuc, sont desputtés pour élus audict concille.
L’Église de Rennes est chargée de convocquer le prochain sinode au lieu le plus commode pour la province« [2].
Le « consille général » désignait le prochain synode national, alors en préparation. Le problème était complexe. Les Église protestantes acceptaient, sous certaines conditions, le remariage d’un conjoint abandonné. Mais que faire si le « coupable » était catholique ? Les synodes généraux tranchèrent en faveur du oui.
Mais voila qu’une d’actualité, sans doute brûlante, oblige des participants de la rencontre de Ploërmel à trancher un problème de dernière minute : L’Église de Combourg venait de refuser le candidat au pastorat qui lui était proposé par le synode d’Orléans :
« Sur ce que Guillaume Nogues, escuier, sieur de la Melandaye, entien de l’Église de Combour, a proposé que Guy Lestivel, leur envoyé pour ministre à ladicte église par le consistoire doibt […] ne peult satisfaire à ladite Église, après que ledict Le Stivel a esté prescher […] en cette assemblée et interrogé de certains points de la Relligion, a esté advisé qu’il n’est propre pour exercer en ladicte Église et qui ce sera renvoyé à Orléans aux frais duditz de Combour pour estre par ceux dudict consistoire employé où et à ce qu’ils voiront estre propre, et pour escrire audict consistoire ce que devant et eutres raizons qui ont meu ladite assemblée, est desputté maistre Ollivier Loyseau, ministre de l’Église de Chateaubriand« .
Cette procédure de rejet d’un proposant dont le témoignage ou la prédication n’était pas accepté était conforme à la discipline des Églises Réformées. Il fallait en motiver les raisons au consistoire d’origine du ministre refusé. Nous ne connaissons pas d’autre mention du pasteur Lestivel, pas plus que des sieurs de La Melandaye (Messandais, en Bain-de-Bretagne ?) et de Cabeuc (Cabiec ?).
Voici enfin les dernières lignes du document, tel qu’il est conservé aux Archives d’Ille-et-Vilaine :
« Collationné a un aultant tirée sur un anxien papier servant à la Religion prétendue réformée, servant d’original, par nous, notaires royaulx à Rennes soubsignés, nous aparu et rendu avecq le présent
Barbe notaire royal Bahvon notaire royal
Débris d’un sceau plaqué de forme ovale, aux Armes de France
Cet acte porte à la 1ère page les cotes : 1ère pièce
et d’une écriture plus récente en travers de la marge :
Septième. avec paraphe au verso de la 6ème page (en blanc)
Numéro 2 3e sac 1577 « articles du synode provincial tenu à Ploërmel et de celluy de la
Rochebernard »
Ces mots d’une écriture plus récente que la cote N°2 3e sac, sont peut être de la main de Le Noir de Crevain[3].
La copie comprend 6 feuillets ; le 6e feuillet, recto et verso, est blanc ».
[1] Montaigu et La Roche-Servière, où les Lalande de Machecoul possédaient des fiefs, étaient des Églises associées à celle de Vieillevigne.
[2] Selon les sources dont nous disposons, le synode suivant se réunit en fait à Vitré en 1566.
[3] Annotation postérieure datant probablement du XIXe siècle.