Le château de Pont-l’Abbé.

La place forte huguenote la plus occidentale de France.

     La vaste forteresse des barons de Pont-l’Abbé n’a conservé du passé que son donjon et quelques fortifications annexes. Le voyageur qui les découvre en franchissant un des derniers ponts habités de Bretagne a quelque mal à imaginer que se dressait là un château fort dont le périmètre mesurait plus de 600 mètres. Il avait été édifié assez tardivement, à la fin du XIIIe siècle, sur l’emplacement d’une ancienne motte féodale, là où s’interrompait la marée qui remontait le cours d’eau local. Un aussi rapide développement s’expliquait par la conjonction de deux facteurs : l’extraordinaire prospérité économique du pays bigouden à la fin du Moyen Âge et l’orgueil des barons locaux qui prétendaient aux premiers rangs de la province. L’ensemble fortifié était cependant disparate : le corps principal formait un puissant quadrilatère le long de la rivière de Pont-l’Abbé, tandis que la vaste basse cour disposait de courtines plus modestes. Les barons y avaient fait édifier vers 1350 une chapelle dédiée à Saint-Tudy.

Château de Pont-l'Abbé

Pont-l’Abbé : la façade du château dominant le pont et l’étang. Le corps de logis principal a été rebâti au XVIIIe siècle. Les tours sont d’origine. Cliché Wikicommons.

    Quand la place devint-elle protestante ? La décision est associée au jeune baron Charles II du Quélennec (1548-1572). C’est le neveu du comte de Maure que nous avons présenté sur ce site. Il est le fils de sa sœur Jeanne et a été élevé dans la foi huguenote dès avant la première prédication officielle dans la province. L’établissement du culte calviniste au château s’est fait progressivement après la mort du baron Jean V du Quélennec.

     S’il faut avancer la date de 1553, comme le font certains historiens, l’initiative viendrait de Jeanne de Maure, son fils Charles n’étant alors qu’un tout jeune enfant. Il vaut mieux retenir les années 1563 ou 1564 qui voient la Réforme triompher à Pont-L’Abbé : la chapelle est désaffectée ou consacrée au prêche qui est assuré par la pasteur Charretier. L’étoile du nouveau baron semble à son zénith quand il épouse en 1568 une des plus beaux partis huguenots du royaume, la célèbre Catherine de Parthenay, remarquablement intelligente et héritière de vastes domaines en Poitou et Saintonge. Il a 20 ans, elle en a 14. Charles du Quélennec peut ajouter à son nom celui de Soubise. Mais les jeunes époux, s’ils partagent une même foi, n’ont rien d’autre en commun.

     Charles du Quélennec s’enivre de guerres et de batailles, Catherine est pratiquement recluse à Pont-L’Abbé. Ils n’auront pas d’enfant. Charles du Quélennec meurt à Paris dès août 1572 en défendant l’Amiral de Coligny dans la funeste nuit de la Saint-Barthélemy. Catherine de Parthenay (1554-1631) se remaria ultérieurement avec le vicomte René de Rohan et devint l’âme du parti huguenot. La baronnie de Pont-L’abbé passa à un cousin, Toussaint de Beaumanoir du Besso, baron de Rostrenen (1554-1590). Ce dernier était catholique mais appartenait au cercle des grands seigneurs bretons qui manifestent une forte sympathie pour la Réforme. Le départ du pasteur et l’interdiction du culte par les Édits ne semblent pas marquer la fin immédiate du calvinisme dans la région. Un certain nombre de seigneurs des environs restèrent fidèles à la Réforme, à commencer par le sieur de Kerouant, châtelain de Kernuz, et les familles Nevet, Le vesle, de Beaucours, du Marchallac’h, de Kerfentenic… Ce sont finalement les persécutions et les conflits de l’époque des guerres de la Ligue qui dispersèrent ce qui avait été l’Église réformée la plus occidentale du royaume. L’épisode le plus marquant en est le siège et le quasi démantèlement du château de Pont-l’Abbé en 1595.

Jean-Yves Carluer