Jean du Matz de Montmartin (vers 1546 – 1625)

     Peut-on revendiquer Jean du Matz de Montmartin comme breton ? Nous ne savons exactement ni son lieu ni sa date de naissance qui dut intervenir lors des années qui suivirent le mariage de son père. Le chevalier Auffray du Matz, seigneur de Terchant (en Ruillé, Mayenne) et de Montmartin (en Saint-Germain-du-Pinel, Ille-et-Vilaine) s’était uni en mai 1545 à Catherine Chauvin, la sœur de Bonaventure Chauvin de la Muce-Ponthus, protecteur de l’Église réformée de Nantes. Aussi bien par les Chauvin que par les du Matz, Jean était issu d’officiers de la cour des ducs de Bretagne. Il était d’ailleurs un arrière-petit-fils de François II, puisque sa grand-mère, Jeanne de Beaucours, était une fille légitimée du duc, issue de ses amours avec Antoinette de Maignelais, et que le souverain breton avait mariée à son chambellan.

    Cette ascendance prestigieuse ne faisait pas de Jean du Matz un grand seigneur. L’héritage familial ne comportait pas de château et l’étendue de ses terres était modeste. Les du Matz étaient des modestes vassaux des puissants barons de Vitré-Laval.

    L’histoire de Jean du Matz de Montmartin est celle de l’ascension sociale, au cœur des guerres de religion, d’un jeune huguenot exceptionnellement intelligent qui devint officier général, maréchal de camp et ambassadeur à Londres, carrière récompensée par l’élévation de ses terres en vicomté. Ajoutons que Jean du Matz s’est révélé également un historien puisque ses Mémoires, publiées au XVIIIe siècle par Dom Morice, représentent une source essentielle pour l’étude des guerres de la Ligue en Bretagne[1].

     Nous ne savons en quelles circonstances le jeune Jean du Matz devint réformé, mais sa conversion s’inscrit dans l’influence de la maison de Laval-Vitré. Selon les frères Haag, il était également cousin de Christophe du Matz, seigneur de Saint-Gravé, autre capitaine huguenot[2]. S’il est né en 1546, Jean devait avoir une quinzaine d’années quand le calvinisme se répandit en Bretagne. Nous le voyons réapparaître dans la province en février 1574, après un séjour suisse pour échapper aux persécutions, avec son mentor, Paul de Coligny, comte de Laval. C’est son premier coup d’éclat, car il s’empare par surprise, mais temporairement, de la place de Vitré.

    Jean du Matz poursuit une carrière militaire dans les troupes du roi Henri IV, en particulier au siège de Rouen et à la bataille d’Arques. Il est finalement nommé gouverneur du château de Vitré en 1589, mais c’est plus par la volonté du Béarnais qui a reconnu en lui un précieux auxiliaire, que par la faveur de la maison de Laval avec qui le seigneur de Terchant, quoique bon huguenot, entretint des relations fluctuantes[3]. C’est sans doute que l’autonomie de Montmartin et ses liens privilégiés avec la Cour de France inquiétaient un peu ses suzerains.

Terchant. Du Matz de Montmartin

Le château de Terchant, en Ruillé. Carte postale ancienne.

     Le seigneur de Terchant organise victorieusement la défense de Vitré contre Mercoeur en 1589-1590. Il est bientôt nommé maréchal de camp dans l’armée royale qui combat en Bretagne contre les ligueurs. Il s’y montra le meilleur chef militaire. Nous n’entrons pas ici dans les détails. Retenons que Jean du Matz sait aussi bien conduire des charges de cavalerie, organiser les mouvements des troupes d’infanterie que disposer l’artillerie. Il est au siège de Lamballe auprès de La Noue, à la bataille de Craon, à Corlay et Dinan… Il s’est fait connaître à la Cour et fait partie de la députation conduite auprès d’Elisabeth d’Angleterre en 1593-1594. Il obtient l’aide de la Reine contre les Espagnols aux conditions les plus favorables à la France, qui ne concède provisoirement aux Anglais que Paimpol et Bréhat. C’est finalement lui qui négocia la reddition de Mercoeur préparant l’Édit de Nantes.

    Jean du Matz de Montmartin fut reconnu par ses adversaires comme un gentilhomme qui respectait les lois de la guerre et honorait sa parole. Mercoeur lui-même lui confia sa famille quand il lui fallut se rendre. Les catholiques louèrent plus tard sa pondération et son objectivité : « Quoique Montmartin fût protestant, on ne s’aperçoit nulle part qu’il ait été de cette secte », écrivait encore Daniel Miorcet de Kerdanet en 1818[4].

     Cela n’empêcha pas Jean du Matz de se montrer un soutien constant et efficace du protestantisme toute sa vie. Il fut député dès 1581 à l’Assemblée politique de Montauban. Il organisa un prêche régulier dans son château neuf de Terchant, situé sur les Marches de Bretagne, près de La Gravelle. Il servit de base de repli aux Réformés de Vitré comme de Laval à chaque fois que le culte y devenait impossible. Jean du Matz obtint en 1616 la présence d’un pasteur à demeure à Terchant. Il fut chargé de présenter en 1623 à Louis XIII le cahier des revendications des protestants qui se plaignaient des nombreuses infractions faites à l’Édit de Nantes. Devenu très âgé, il observa de loin la guerre civile, dite de Monsieur de Rohan et mourut en 1525.

     Jean du Matz de Montmartin maria ses enfants au sein de la noblesse huguenote bretonne. Sa famille resta fidèle jusqu’à la Révocation et une branche réussit à gagner le Refuge. Elle joua un certain rôle dans les pays de langue allemande, en particulier le Würtemberg où lui fut accordé le titre de comte de Montmartin.

 Jean-Yves Carluer

[1] « Mémoires de Jean du Mats, seigneur de Terchant de Montmartin, gouverneur de Vitré, ou Relation des troubles arrivés en Bretagne depuis l’an 1589 jusqu’en 1598 », dans Dom Morice et Dom Taillandier, Supplément aux Preuves de l’histoire de Bretagne, T. III, p. cclxxij-cccxvj.

[2] E. et E. Haag, La France protestante, Paris, 1853, tome 4, p. 401. A noter plusieurs erreurs dans la notice.

[3] Voir à ce sujet l’excellente étude de Jean-Luc Tulot, Les la Trémoille à Vitré… 1. Correspondance de leurs agents : http://jeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Agentsvitre01.pdf

[4] Notices chronologiques sur les théologiens, jurisconsultes, philosophes, artistes, littérateurs, poètes, bardes, troubadours et historiens de la Bretagne, depuis le commencement de Père chrétienne jusqu’à nos jours, avec deux tables : la première présentant, dans l’ordre alphabétique, tous les personnages dont il est fait mention dans ces notices; la seconde les rapportant aux villes et lieux auxquels ils appartiennent, Brest, imprimerie de Michel, 1818.