Lanhuron et ses protestants

Lanhuron en Gouesnach (Finistère) : la plus ancienne implantation rurale protestante en Sud-Finistère.

    Rien ne prédestinait le petit château de Lanhuron à devenir le temps d’une décennie un pôle de protestantisme à Gouesnach, paroisse très traditionnelle de la Cornouaille bretonne. Les communes de part et d’autre de l’Odet n’étaient guère réceptives aux idées qui sortaient de l’ordinaire. Le citoyen Jean-Marie Déguignet en avait fait l’amère expérience, non loin de là, à Pluguffan1.

     Lanhuron tenait plus de la simple maison de maître que du palais : son seul corps de logis était réparti sur deux étages prolongés sur le côtés par deux appentis. Mais le site était assez remarquable : les fenêtres donnaient sur l’embouchure de l’Odet, et, deux fois par jour, la marée montante longeait le muret de pierres qui marquait la limite basse du parc.

     La paroisse n’avait pas été autrefois étrangère à la Réforme. Il s’y trouvait des terres et même des fiefs qui avaient appartenu aux vastes domaines du marquisat de La Moussaye. Mais il ne semble pas qu’ils aient jamais été habités par des huguenots. Et, de toutes façons, leur souvenir en avait été si oublié que le marchand de vin Jacques Fontaine s’était établi provisoirement dans la région pour se mettre à l’abri des dragonnades qui sévissaient en Saintonge à la fin du XVIIe siècle.

Lanhuron Jean-Yves Carluer

Le manoir de Lanhuron au début du XXe siècle

    Le petit château de Lanhuron avait été édifié au XVIIIe siècle à l’emplacement d’un ancien manoir. En 1840, le domaine appartenait à une famille bourgeoise en voie d’anoblissement, les Le Goazre de Toulgoët, qui le mettent finalement en vente. Le colonel Charles Hawker en fait l’acquisition en 1856.

     Le protestant Charles Hawker était de nationalité assez floue, comme c’était souvent le cas au XIXe siècle. Il est incontestablement français par le droit du sol, puisqu’il était né en Normandie, à Condé-sur-Noireau en 1814. Mais sa famille est plutôt jersiaise et ses états de service dans l’armée de la reine Victoria plaident pour un choix britannique.

     Il se retire finalement à Gouesnach pour y vivre d’une confortable pension militaire dans un cadre agréable tout en aidant son ami le pasteur James Williams.

     Car Charles Hawker est un paroissien indubitablement engagé. Faute de disposer des sources correspondantes, je ne peux affirmer si c’est à la demande du pasteur ou d’une société missionnaire que le colonel a fait l’acquisition de Lanhuron. Ce qui est sûr, c’est que la famille Hawker devient très vite un appui essentiel de la mission galloise. Charles Hawker collabore activement à la nouvelle série de numéros du journal Le Bulletin évangélique de Basse-Bretagne que relance alors le missionnaire venu du Pays-de-Galles.

     Dès le mois de mai 1859, le comité de la mission presbytérienne galloise adresse ses remerciements au colonel pour l’aide constante et précieuse accordée à James William. De son côté, le missionnaire assurait une réunion par semaine à Lanhuron pour les habitants du château. Il y avait là Charles Hawker et son épouse, sans enfants, mais avec des neveux et nièces. Ces derniers s’appellent Dent du côté de madame, ou bien Wilson, comme John Alexander, l’orphelin néo-zélandais de Tauranga recueilli par son oncle. Cette grande nichée servira de terreau à de futurs mariages, selon la tradition endogamique familiale. Quelques serviteurs assistent également au prêche, dont quatre deviendront protestants.

    Le colonel et son ami, le pasteur Williams, entendent bien faire de Lanhuron un centre de rayonnement local du méthodisme. Le désir de prosélytisme renforce sans doute l’élan philanthropique en faveur de Gouesnach. Selon les rapports britanniques, la famille distribue des médicaments et des vivres pour les plus démunis. « Le colonel Hawker avait acheté un champ pour y édifier des logements pour les pauvres et avait déjà construit une maison pour les veuves, dans laquelle se trouvait également une salle à l’usage du missionnaire 2».

     La présence d’un précepteur se révèle nécessaire pour les enfants de le famille élargie Hawker. Pourquoi ne pas en faire un instituteur qui élargirait ses activités en faveur des enfants de Gouesnach, commune privée de tout enseignement primaire ? C’est ainsi que le collègue gallois de James Williams, le pasteur John Jenkins, avait étendu depuis Morlaix l’oeuvre baptiste à Primel en Plougasnou, à Uzel en Trémel et à Pont-Menou en Plestin.

     Mais ce projet risque de rencontrer de sérieux obstacles à une dizaine de kilomètres de la cathédrale Saint-Corentin.

(A suivre…)

Jean-Yves Carluer

1Jean-Marie Déguinet, Mémoires d’un paysan bas-breton, An Here, 1998 et 2008. L’auteur s’y montre violemment anticlérical et fervent républicain

2D. M. Jones, Les missionnaires gallois en Bretagne, manuscrit, 1985, p. 304.