Chamballan

Le château de Chamballan, en Rougé (Loire-Atlantique)

    C’est un lieu de mémoire huguenote largement méconnu. Ce fut pourtant un site de prêches pendant un demi-siècle, et même, à l’occasion, un site de rassemblement pour toute une Église, celle de Châteaubriant.

    Un certain nombre de familles nobles réformées étaient établies dans les paroisses occidentales de cette baronnie, près des marches forestières aux activités proto-industrielles, qui séparaient le Maine des diocèses de Rennes et de Nantes. Nous y reviendront une autre fois. Les Boispéan, Chamballan, Appelvoisin, Bonnier et autres n’étaient pas de simples hobereaux campagnards, mais de dignes représentants d’un niveau supérieur que les historiens ont désignés sous le terme de « noblesse seconde », parfois proche de celle qui était reçue à la Cour1. Ces gentilshommes huguenots de Rougé, Fercé, Ruffigné ou Teillay, se sont rattachés selon les époques aux communautés calvinistes de Châteaubriant puis de Sion-les-Mines, et parfois même à celles, plus lointaines, de Vitré ou Rennes.

Chamballan

Le Château de Chamballan, en Rougé (44), vu depuis sa pièce d’eau.

    Le site de Chamballan, appartenant à la famille du même nom, était d’abord un beau manoir fortifié datant de la fin du Moyen Âge. Le site initial a été agrandi postérieurement, notamment au XVIIIe siècle, c’est-à-dire à une période où le château n’était plus en des mains protestantes. Il a encore aujourd’hui belle allure. Le corps principal est flanqué de deux ailes, dont l’une représente ce qui reste du manoir initial et fait aujourd’hui l’objet de travaux de restauration.

    En ce qui concerne son passé protestant, le plus simple est de faire appel au pasteur Lenoir, sieur de Crevain, à la fois historien et dernier témoin de le Bretagne huguenote. « Pour s’en tenir aux écrits de Sion, écrit-il, l’on voit que Chamballan, en Rougé, était une annexe, et, en cas de besoin, une retraite de l’Église de Châteaubriant. L’on trouve, en juin 1568, un baptême pour ceux de Châteaubriant, à Chamballan; en juin 1575, il se fit un mariage au même lieu, c’est-à-dire chez Claude, seigneur de Chamballan ; et les baptêmes de deux de ses enfants à Chamballan en la même année, un desquels eut pour parrain René de la Chapelle, seigneur de la Roche-Giffart. Il y eut aussi baptême à Chamballan, l’année que Claude de Chamballan mourut (1582), et nous verrons que l’on y continua des assemblées de l’Église pour des baptêmes et des mariages en 1583, 1584, 1585, jusqu’à la Ligue2. […] C’est là que le pasteur Louveau maria sa fille, preuve que le château servait de lieu officiel de culte pour les huguenots de la région : « En l’année 1584, M. Fleury, ministre d’Angers, vint à Chamballan épouser la fille de M. Louveau, qui le fit son gendre ». D’autres assemblées protestantes sont encore notées en 1589 avant les funestes guerres de la fin du siècle.

    L’activité ecclésiale du site de Chamballan semble s’être progressivement réduite au cours du XVIIe siècle. Si l’Église de Châteaubriant avait définitivement disparu, le temple voisin de Sion-les-Mines était solidement établi dans le cadre de l’Édit de Nantes, même si les tensions étaient fortes avec le voisinage catholique. Ce qui signe l’effacement de Chamballan, c’est l’extinction de la ligne masculine directe de ses seigneurs. L’héritière de la seigneurie, Marguerite de Chamballan, épouse en 1640 le seigneur huguenot voisin, Henri II de la Chapelle, marquis de la Roche-Giffart, protecteur de la communauté protestante de Sion-les-Mines. Marguerite est morte peu avant la Révocation, mais son fils, qui portait également le titre de baron de Chamballan, put se réfugier en Hollande. C’en était fini d’une présence huguenote en ces lieux .

    Le géographe Ogée visita le château un siècle plus tard : « Il avait jadis une très belle avenue à quatre rangées […] Il possède une chapelle privée qui a servi un moment au culte protestant. Les titulaires ont été un moment protestants, alliés aux de La Chapelle de Sion, aux Bonnier et aux Durand 3».

  L’édifice a été en partie incendié sous la Révolution, puis restauré à l’époque romantique. Il est aujourd’hui la propriété d’une famille britannique qui propose des chambres d’hôtes chaque été4.

Jean-Yves Carluer

1 Antoine Pacault, « Grands seigneurs de cour et gentilshommes provinciaux en Bretagne entre 1550 et 1650 », in Jean Kerhervé (dir), Noblesses de Bretagne du Moyen Age à nos jours, Presses Universitaires de Rennes, 1999.

2 Philippe Lenoir, sieur de Crevain, Histoire ecclésiastique… p. 184.

3Jean Ogée, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, Nantes, 1778.

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