Anthony George Perrier, fondateur de l’Église réformée de Brest (1824-1832)
Sir Anthony George Perrier, consul du Royaume-Uni à Brest, est né en 1793 à Cork, la grande ville irlandaise, dans une famille de notables issue de réfugiés huguenots. Les Perrier y avaient réussi en affaires (distilleries, sucreries, négoce). Un Anthony Perrier, grand-père de notre brestois, est High Sheriff de Cork à la fin du XVIIIe siècle. Il a trois fils, dont Anthony, qui lui succède et George qui s’installa comme industriel à Bordeaux en 1802, à l’occasion de la Paix d’Amiens. Les deux enfants de George, Jean et Anthony George grandirent sur les bords de la Garonne jusqu’en 1807, date à laquelle la famille partit pour l’Amérique, avant de réintégrer les Îles britanniques. Le jeune Anthony George, qui connaissait parfaitement le français, devint apprenti dans une maison de négoce de Londres. En 1811, il obtint, à 18 ans, une charge de commissionnaire de l’armée anglaise à Cadix. Les Britanniques, sous la direction de Wellington, combattaient alors en Espagne et au Portugal contre les troupes françaises du roi Joseph Bonaparte.
En 1814, suivant l’armée victorieuse de Wellington, Anthony George Perrier entre en France et retourne à Bordeaux, alors que Napoléon abdique et est remplacé par le roi Louis XVIII. Notre jeune homme fait connaissance avec le consul britannique à Bordeaux, William Pennell, et épouse sa fille Jacqueline en 1816. Nous retrouvons ensuite Anthony George Perrier au Havre, où il est négociant et est reçu franc-maçon. C’est probablement sous l’influence de sa femme qu’Anthony George s’engage peu à peu sur le plan religieux jusqu’à devenir un protestant engagé. Leurs cinq enfants naissent au Havre entre 1817 et 1823.
Anthony George Perrier est nommé consul à Brest le 8 octobre 1824. Il y demeurera plus d’un demi-siècle jusqu’à son décès, le 8 juillet 1876. Son épouse, pour sa part, y vivra jusqu’en 1898 ! Durant cette longue période, M. et Mme Perrier sont des personnages importants de la vie brestoise, et, plus encore, de la paroisse protestante de la ville dont ils sont les fondateurs.
Anthony George Perrier se révéla un diplomate apprécié, aussi bien par la reine Victoria qui l’anoblit en 1843 et le fait commandeur de l’Ordre du Bain en 1859, que par les gouvernements français successifs. Royaliste libéral, il avait reçu très jeune la décoration du Lys pour son apport (modeste) à Bordeaux dans le processus de retour des Bourbons. Son beau-père, William Pennel, y assura également l’évacuation d’une partie de l’argent et des bijoux de la famille royale lors des Cent-jours. Sir Anthony George Perrier (nous utilisons pour lui les deux prénoms afin de le différencier de son cousin Sir Anthony Perrier, lord-maire de Cork) siégea dans des commissions branco-britanniques pour la fixation des zones de pêche dans la Manche, ainsi qu’à Terre-Neuve, ou dans des conférences sanitaires internationales.
A Brest, Anthony George Perrier participe à la vie culturelle locale. Il est membre de la Société Académique de la ville où il est de ceux qui militent pour les échanges inter-celtiques. Il est défenseur de la langue bretonne, comme ses cousins le sont du gaëlique en Irlande, et noue des liens avec les Gallois, en particulier dans le cadre de la traduction de la Bible en breton par Le Gonidec. Il est une des personnalités présentes en 1845 lors de l’inauguration du monument Le Gonidec à Lochrist, et c’est lui qui organise sa réfection en 1848.
Dès son arrivée à Brest, Sir Anthony George Perrier rassembla les protestants de la ville, britanniques, Suisses des Grisons et fonctionnaires français. Il organisa des réunions religieuses dans son salon. Au bout de quelques années l’auditoire suffisait à justifier l’appel à un pasteur. Le pasteur Achille Le Fourdrey répondit en 1832 à cette demande co-signée par A. G. Perrier et Mme Pitty, transmise à la Société Évangélique de France qui se constituait à partir de la Société Continentale. La nouvelle paroisse recevait l’appui de la municipalité. La famille Perrier demeura pendant longtemps une des colonnes du temple protestant. L’aînée des filles du consul, Rosamund Eliza (1817-1898), connue dans la communauté réformée sous le nom de « tante Rose », épousa en 1857 le pasteur Elie Berthe et revint en 1878 à Brest avec son mari quand il prit en charge la paroisse jusqu’en 1889.