Saint-Lunaire : La chapelle anglicane est devenue temple évangélique
L’église St Andrew a été édifiée en 1910 un peu en retrait de la grande plage de Lonchamp, en Saint-Lunaire. Cela faisait une trentaine d’année déjà que ce village de pêcheurs bretons faisait l’objet d’une reconversion en station balnéaire pour une clientèle huppée. Sylla Laraque, homme d’affaires d’origine haïtienne, était le maître d’œuvre et le financier de cette mutation. Il n’avait rien négligé pour réussir son pari : il avait fait bâtir des villas de prestige, un grand hôtel, un casino, des courts de tennis et même une petite usine électrique. Excroissance de Dinard, la station devint très vite à la mode, recevant des personnalités comme Jules Vernes, mais aussi des vacanciers britanniques, déjà nombreux sur la Côte d’Émeraude.
Sylla Laraque leur ouvre, les dimanches matin d’été, le théâtre du casino pour l’office anglican. A partir de 1904, la paroisse voisine de St Bartolomew, de Dinard, confie la célébration locale au rev. Edward James Harper. Il réunit une petite congrégation dont l’âme est une demoiselle qui avance en âge, Miss Jane Sutherland Reid (1839-1911).
Le réseau des Églises anglicanes est alors à son apogée sur la Côte d’Émeraude : Avranches, Paramé, Saint-Servan, Dinard, Dinan, et maintenant, Saint-Lunaire. Le rev. Harper présente en 1906 au conseil de Saint-Bartholomew le projet de construction d’une chapelle au nom de l’association des Anglicans de la commune. Il en est le président. La trésorière et principale bienfaitrice est Miss Reid. L’architecte choisi est celui de la ville de Saint-Servan, Eugène Mantrand[1].
La pose de la première pierre a lieu le 4 mai 1910, en présence des autorités locales, tant politiques que religieuses. Le clergé catholique du voisinage est présent. Les travaux avancent rapidement et l’édifice est apte à accueillir le 13 mars 1911 le service funèbre de Jane Reid.
Mais les vicissitudes de l’histoire viennent contrecarrer ce qui avait été le grand projet du pasteur Harper et de Miss Reid. La première Guerre Mondiale porte un coup sérieux au tourisme britannique sur la Côte. Le temple est fermé.
L’édifice reprend finalement vie à partir de 1920. Le rev. James Owen Hannay, originaire de Belfast, assure les services d’été quand il réside sur la côte d’Émeraude avec sa famille. C’est également un écrivain célèbre, auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages sous le nom de plume de George A. Birmingham. Durant l’entre-deux guerres l’assistance est fournie, au point que la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts (SPG), qui gère l’édifice depuis Londres, fait agrandir le temple en 1930. Mais un problème récurrent menace : Il n’y a guère plus de résidents britanniques dans la région. L’assistance d’été est uniquement composée de vacanciers. Il est difficile de trouver des chapelains bénévoles pour assurer les cultes.
La chapelle est fermée entre 1938 et 1955. Elle rouvre ensuite épisodiquement l’été. Des travaux d’entretien son nécessaires. La SPG cherche à vendre l’édifice.
La chapelle est finalement sauvée en 1960 par Elisabeth Gwynne Hannay (1914-2002), MBE, représentante d’une grande famille britannique établie à Dinard. Miss Hannay cumule alors les responsabilités. Elle est la cheville ouvrière de la paroisse anglicane Saint-Bartholomew de Dinard, et à ce titre responsable locale de la chapelle de Saint-Lunaire. Animatrice du Groupe pour le Service Oecuménique des bords de la Rance, Elisabeth Hannay est, de plus, une pionnière du dialogue inter-religieux en France. Son premier projet, en 1960, est de sauver la chapelle en la transformant en centre œcuménique. Cette perspective n’aboutit pas, mais l’édifice reste propriété de la SPG. Miss Hannay invite alors l’Église protestante évangélique locale qui se réunit au Centre des Jeunes de Saint-Lunaire, au lieu-dit Le Pont, à y tenir des rencontres occasionnelles.
L’agglomération de Dinard accueille en effet depuis les années 1950 une implantation pionnière de l’organisation France-Mission, dont l’initiateur a été le pasteur Claude Broux. En 1967, Dimitri et Monique Kalioudjoglou, jusque-là équipiers de l’œuvre de La Maison Blanche, près de Dinan, s’installent à Saint-Lunaire pour y organiser des camps de jeunes protestants. Une communauté évangélique indépendante y grandit peu à peu, sous la direction des pasteurs Pierre Boulanger et Mike Mc Gowan. Elle se porte acquéreur de la chapelle anglicane de Saint-Lunaire qui lui est vendue en 1993 par la SPG.
Reste à transformer une église froide et humide en un lieu de culte moderne et confortable. Les travaux de transformation d’une nef néo-gothique en un ensemble sur trois niveaux sont réalisés par une équipe de protestants bénévoles locaux ou figure entre autres David Broux, un des fils du pionnier de Dinard. Le chantier dure 8 ans. Le temple rénové est inauguré en 2001.
L’Église évangélique protestante de Saint-Lunaire y poursuit aujourd’hui le témoignage chrétien issu de la Réforme.
[1] Mes remerciements au pasteur Mike Mc Gowan qui nous a fait bénéficier de ses recherches sur l’histoire de la chapelle.