Le journal de liaison de la Mission Évangélique Bretonne, appelé le Trémélois, est une mine d’informations. Nous présentons ailleurs sur se site le pasteur Guillaume Le Coat (1845-1914) qui en était le fondateur et le directeur.
Le numéro d’octobre 1888 présente la voiture biblique alors en usage dans la mission. Nous savons que c’est historiquement son deuxième véhicule de colportage, puisqu’il avait été précédé d’une petite voiture à bras dont nous ne savons pas grand chose.
« Notre voiture biblique »
« Nos lecteurs connaissent déjà notre voiture, par en avoir entendu parler dans cette feuille. Pour leur faire plaisir et éveiller de plus en plus leur intérêt, en faveur de l’évangélisation des Bretons, nous leur donnons ci-dessus, la gravure de ce puissant moyen d’évangéliser notre contrée, où l’on ne peut pas, comme dans d’autres pays, prêcher en plein air, ni même dans un local, clos et couvert, sans une autorisation spéciale des autorités.
Notre voiture, à deux roues, pouvant facilement être traînée par un cheval, se divise en six parties : Un coffre pour mettre la marchandise, à l’arrière : des étagères pour mettre les livres en vente, au centre, avec place derrière pour se coucher, au besoin ; puis, à droite du frère qui tient la Bible à la main, d’autres étagères ; ensuite une boîte pour les accessoires ; enfin la place qu’il occupe et d’où il domine la foule pour pouvoir avec plus de facilité lui annoncer la bonne Nouvelle du salut. La porte, qui ferme sur les étagères centrales faisant face à la roue, peut se mettre horizontalement au moyen de crochets et sert, en cas de mauvais temps, d’abri aux vendeurs. A l’avant on remarque deux lanternes, une de chaque côté, puis une cloche et enfin, à l’arrière, flotte le drapeau national.
Sur nos places de foires et de marchés, où il y a des milliers de Bretons, nous la plaçons dans la situation où elle se trouve dans notre gravure, à l’exception des brancards, qui sont en place et qui, généralement, sont ôtés pour deux raisons : ils gênent d’abord la foule et, en second lieu, font payer plus cher le droit de place.
Depuis sa construction, elle a déjà parcouru une grande partie de nos départements bretons, les Côtes-du-Nord, le Finistère et le Morbihan. Elle n’est pas partout accueillie de la même manière par nos compatriotes. A St-Michel [-en-Grèves], on avait comploté de la jeter à la mer ; à Landivisiau, Bulat [Pestivien], St-Pol-de-Léon, on n’a pas laissé l’ouvrir par les autorités réactionnaires de ces communes ; ailleurs on ne voulait pas même vendre un peu de foin pour donner au cheval qui la traîne. Souvent le colporteur a été obligé de coucher dedans, parce qu’on ne voulait pas le loger: mais, par contre, dans un plus grand nombre de localités, Guingamp, Lannion, Brest, Quimperlé, Châteaulin, Carhaix, Tréguier, Paimpol, Callac, etc, partout elle a été bien accueillie sans compter un bon nombre de foires et de marchés. Dans plus de vingt localités, où elle a passé et vendu des centaines de Nouveaux Testaments, on nous demande d’envoyer des évangélistes, d’ouvrir des lieux de culte et des écoles. Les prêtres l’appellent « la voiture de Satan, une machine forgée en enfer, pour damner les âmes ». La colère que ces apôtres de l’erreur et de la superstition manifestent contre ce moyen de propager et d’annoncer l’Évangile, nous est une preuve qu’ils la craignent et qu’elle a une importance. Son entretien compris, celui des deux colporteurs qui l’accompagnent, leurs patentes, les soins au cheval et les places aux foires, et marchés, nous coûtent en moyenne 300 à 350 fr. par mois. Il est toujours pénible au petit Trémélois de faire de la réclame et de demander de l’aide, mais, les 60.000 Evangiles bretons, et les 9.000 Nouveaux Testaments, 5 à 6.000 almanachs par an et des milliers de traités vendus ou distribués montrent que cet auxiliaire de l’œuvre évangélique a ici sa valeur et mérite d’être soutenu. Distribuons la parole de Dieu, elle ne retournera pas à notre divin Maître sans effet. Il y a quelques années, un Nouveau Testament entrait dans une misérable cabane de sabotier à Trémel. Les premiers auditeurs furent quatre femmes, dont trois ne savaient pas lire. Sans tarder, trois d’entre elles donnèrent leur cœur à Christ. La cabane du sabotier est remplacée aujourd’hui par une chapelle, deux écoles de garçons, une école de filles, un hospice, une petite église évangélique, avec un petit bataillon de travailleurs, placés les uns au Havre, les autres à Brest, etc. Une seconde version de ce Nouveau Testament remplace l’ancienne et la Bible, traduite en notre langue par l’enfant de cette cabane, devenu homme, va prendre sa place dans plus d’une chaumière et d’une bibliothèque du pays. Qui a fait tout cela ? La parole de Dieu. Ce qui a été fait à Trémel, peut être fait dans toutes les autres parties de la Bretagne »[1].
Nous disposons d’autres informations sur cette voiture dans la correspondance du pasteur Le Coat. « J’ai fait construire », écrivait-il aux protestants de Jersey, « une voiture assez légère pour être traînée par un cheval. Un côté et un des bouts de la voiture sont aménagés en étagères pour l’étalage de nos livres ; sur le devant il y a une place d’où l’on peut parler et prêcher à la foule… Le colporteur peut au besoin y coucher et n’est pas exposé à passer les nuits dehors… [pour 602 francs] » [2]. Le Crystal Palace Bible Stand avait financé l’entreprise en 1884[3]. La voiture de 1887 était un outil de communication efficace. Elle est liée à la phase d’expansion de la mission baptiste de Trémel au cours des années 1880-1890. Mais elle avait plusieurs inconvénients. L’abri qu’elle pouvait apporter aux colporteurs en cas de pluie était, par exemple, beaucoup trop sommaire. Elle a donc été relayée par deux autres véhicules dont nous reparlerons.
[1] Le Trémélois, N° 10, 25 octobre 1888, pp 4-5.
[2] Fonds privé, lettre aux lecteurs du Quarterly (de Jersey), 23 février 1887.
[3] Archives de la Trinitarian Bible Society, procès verbaux du comité directeur, 1884.
La voiture biblique n°2 de la Mission Évangélique Bretonne, de Trémel, en 1888. A droite, son responsable d’alors, le colporteur Masson.