Les débuts de l’oeuvre méthodiste sur le littoral des Côtes-d’Armor.
En 1921, le journal l’Action Missionnaire a voulu présenter les diverses oeuvres protestantes bretonnes, peu après la première Guerre Mondiale. Les Églises méthodistes, frappées par la réussite des missions galloises en Pays bigouden, ont entrepris à leur tour en 1905 un intense effort d’évangélisation protestante sur le littoral de la Manche, en relayant des efforts souvent initiés par l’équipe de Trémel. Il faut reconnaître qu’elles y ont assez bien réussi. Même s’ils sont moins connus que le « Réveil bigouden », ceux de Saint-Brieuc et du littoral costarmoricain sont sensiblement de même importance.
Lorsque l’Action Missionnaire présente à ses lecteurs ce premier bilan, cette oeuvre est récente et la dynamique est encore loin d’être achevée. C’est donc une sorte de bilan d’étape que racontent les documents suivants, rédigés par les responsables locaux.
Saint-Brieuc
Il y a une quinzaine d’années, un pasteur de notre Église, breton d’origine, commença à Saint-Brieuc une œuvre d’évangélisation parmi ses compatriotes, tout en célébrant un culte pour les protestants de la ville et des environs.
M. le pasteur et Mme Roux ont succédé, il y a 12 ans environ, à M. Scarabin. Ils y construisirent un temple et un presbytère, qui ont été un moyen d’évangélisation et de bénédiction tant pour les protestants et les catholiques de Saint-Brieuc que pour cette population flottante que connaissent beaucoup de nos Églises. Des réunions d’évangélisation ont aussi été organisées dans des villages voisins. Pendant les années qui ont précédé la guerre, il y eut bien des conversions. Pendant la guerre, le presbytère a été le centre d’une activité très intense. Ils sont nombreux les réfugiés et les militaires qui ont reçu l’accueil cordial du presbytère et pris part aux bienfaisantes causeries autour de la tasse de thé. Les témoignages de reconnaissance n’ont pas manqué à M. et Mme Roux, mais ce qui certainement les a le plus encouragés, c’est l’assurance que plusieurs ont passé par une véritable conversion. L’un des plus beaux fruits, peut-être, qu’ils ont recueillis, c’est la conversion d’un militaire distingué qui, après s’être consacré quelque temps au ministère pastoral, dirige actuellement une de nos oeuvres de relèvement à Paris, où il seconde aussi les pasteurs des diverses Églises.
H. Faure, Saint-Servan.
Section de Perros-Guirrec
Fondée, comme Saint-Brieuc en 1905, après une tournée faite par MM. Whelpton père et Scarabin, notre œuvre a hérité en partie du travail fait par la mission de Trémel (à Trébeurden en particulier), mais, pour le reste, il a fallu défricher un terrain absolument neuf. C’est à M. Scarabin qu’est revenu ce travail.
La méthode a été simple : faire des conférences, pour la plupart en breton, après avoir préparé le chemin par du colportage et aussi par des visites à domicile ; prédication très simple de l’Évangile ; pour ainsi dire aucune controverse contre le catholicisme.
Les obstacles au début étaient formidables. Le catholicisme semblait barrer toutes les routes. Le pasteur s’est vu refuser le lait pour ses petits enfants ou ne put, après une réunion, trouver de gîte dans un village, simplement parce qu’il était protestant. Encore cet hiver, à Trégastel, une femme qui nous avait loué une salle pendant trois mois, l’a subitement refusée : c’était une condition imposée par un curé pour bénir son mariage. Voici un autre exemple, également récent : on demande à une petite fille si sa grande sœur viendrait à l’école du jeudi : « Non, répond l’enfant. — Pourquoi ? — Elle a peur que les autres le disent à le curé » (sic).
Cette réponse dénote l’état d’esprit actuel de bien des gens. On est favorable, mais on n’ose pas s’affranchir de l’Église. On vient aux réunions tout l’hiver, mais on va faire ses Pâques à l’Église. L’autre obstacle vient du matérialisme pratique qui règne, chez les paysans surtout. Les marins, par contre, sont plus religieux ; ayant reçu du bien des protestants, soit en Angleterre, soit aux Etats-Unis, ils nous sont souvent favorables. C’est pourquoi notre œuvre a des lieux de culte le long de la côte, depuis Perros jusqu’à Lannion, mais dans aucun village à l’intérieur des terres.
Il est difficile de juger des résultats. Voici pourtant ce qui semble acquis. D’abord, nous avons fait entendre et lire l’Évangile dans le pays, et l’opinion nous est devenue favorable. Dans sept villages, il y a des réunions tous les 15 jours, réunissant un total d’environ 250 auditeurs, le double lorsqu’il s’agit de réunions spéciales. Il n’y a qu’une douzaine de protestants d’origine sur ce chiffre. Nous avons aussi une école du dimanche, et une du jeudi, qui ont une soixantaine d’inscrits, Il faut reconnaître que les présences avant Pâques étaient réduites au minimum. A Kerinoc, hameau d’environ 400 âmes, il n’y a que deux ou trois familles qui ne viennent pas de temps à autre aux réunions. A Trébeurden, il y a un embryon d’Église ; on contribue aux frais de culte, on communie, et nous y avons présidé des enterrements. A Lannion, les conférences ont lieu à la mairie et attirent une partie des fonctionnaires et des intellectuels de la ville aussi bien que des ouvriers. De temps à autre, il y a des décisions nettes en faveur du protestantisme, comme celle de ce marin qui est venu au commencement de l’année nous confier ses enfants pour l’instruction religieuse, et qui est venu lui-même, avec sa femme, au culte du dimanche matin sans craindre pour cela de passer au travers des gens qui stationnaient devant l’église en attendant la grand’messe. Les fondements sont posés ; il reste à bâtir ».
H. Whelpton, Pasteur à Perros-Guirrec.