Kervaudu

Le manoir de Kervaudu, au Croisic (44)

    Cette pittoresque gentilhommière du Croisic allie beauté architecturale et témoignage du passé, protestant en l’occurrence.

    S’il n’y a aucune indication qu’un prêche collectif ait été organisé en ce lieu, ses propriétaires successifs ont atteint une certaine notoriété. Et, bien entendu, les Réformés des XVIe et XVIIe siècles y ont exercé leur culte de famille.

Kervaudu

Le manoir de Kervaudu, au Croisic (Wiki Commons)

   Les premiers propriétaires protestants du manoir semblent avoir été Aubin Le Roy et Guillemette Le Pourceau, dont nous ne savons, hélas, pas grand-chose. Le manoir est ensuite acquis par Jean puis René Gentilhomme, sieurs de Lespine1.

    Ce dernier connaît un destin assez peu banal. René Gentilhomme (1610-1671) s’était fait poète de cour, et à ce titre, comme beaucoup d’auteurs encore célèbres aujourd’hui, vivait des gratifications octroyées par les puissants du temps. Il eut la chance de composer une œuvre où il saluait dans l’échouage d’un dauphin sur les côtes du Croisic le présage de la future naissance du roi Louis XIV. C’était l’époque où le Royaume se désespérait de devoir attendre une postérité royale du couple vieillissant de Louis XIII et d’Anne d’Autriche. René Gentilhomme passa donc pour prophète et fut récompensé par une charge officielle d’historiographe de Gaston d’Orléans, l’oncle du futur Dauphin.

    L’essentiel de ses œuvres connues parut dans un ouvrage édité en 1662, où le Croisicais célèbre également certains de ses coreligionnaires bretons comme Philippe Le Noir ou Pierre Le Prince. Sa qualité littéraire est inégale. René Gentilhomme se révéla finalement bien peu prophète huguenot en célébrant la naissance d’un futur persécuteur. Lui-même semble avoir eu bien des soucis dans son existence. Le poète retourna finalement en Bretagne. Son acte de décès est consigné sur le registre protestant de l’Église de Nantes-Sucé.

    Kervaudu peut se lire en breton Ker gwas du, ce qui ouvre à plusieurs interprétations, dont celle-ci : « La maison de l’homme noir ». Le manoir a été habité au XXe siècle par le peintre néo-impressionniste Ferdinand de Puigaudeau. La demeure est classée monument historique depuis 1921.

Jean-Yves Carluer

1M. de la Vieillechèze, « Le manoir de Kervaudu et ses anciens propriétaires », Bulletin de la Société Archéologique de Nantes, 1902, p. 186.