Premières conférences protestantes à Vannes (1912)

Mai 1912 : premières réunions protestantes contemporaines à Vannes

      La préfecture du Morbihan a été la dernière grande cité bretonne sans Église réformée. Il a fallu attendre la deuxième décennie du XXe siècle pour qu’un évangéliste puisse y poser les bases d’une paroisse protestante

     Jusqu’alors, la ville, siège épiscopal au coeur d’une terre de « civilisation paroissiale catholique » compacte, semblait inaccessible aux efforts des Églises issues de la Réforme.

     Au tournant du XXe siècle, La Mission Populaire Évangélique (MPE), dite aussi Mission Mac-All, du nom de son fondateur, s’est intéressée aux populations de la Bretagne intérieure qui n’étaient pas visitées par les colporteurs bretonnants des missions galloises. La MPE oeuvrait déjà dans les ports de Nantes, Saint-Nazaire et Lorient. Il lui sembla judicieux de porter également ses efforts vers les campagnes et les autres villes du Morbihan. Elle confia cette tâche à un évangéliste éminent, Jules (ou Julien) Sainton. Ce pasteur baptiste, ami de Ruben Saillens, agissait comme agent de la MPE sans attache confessionnelle autre que simplement protestante. Il bénéficiait d’un moyen de déplacement rare pour l’époque : une voiture automobile.

Jules Sainton

Julien Sainton, sur sa voiture, distribuant des Évangiles sur un marché de Bretagne en 1919

     Julien Sainton parcourut pendant 10 ans le Morbihan et les départements voisins. Au bout de ce temps de présence sur les foires et marchés, il devint possible de passer à une autre étape, les « conférences publiques » dans une salle démontable en bois, une « semeuse ».

 Jean-Yves Carluer

      Les premières réunions protestantes de Vannes sont relatées dans le compte rendu d’activité de la Mission Populaire au printemps 1912 : 

« La semeuse bretonne

    Nous avions pensé la mettre à Pontivy où M. Sainton avait été bien accueilli dans les foires, et même par M. le maire. Mais les démarches pour la location d’un terrain appartenant à la ville n’ayant pas abouti, malgré les promesses très positives, nous fûmes conduits à Vannes. Là aussi, M. Sainton avait rencontré un accueil sympathique dans les foires et les marchés. Cependant Vannes a toujours été et reste encore un des foyers du catholicisme militant et fanatique.

     La population, trois fois plus dense qu’a Pontivy, compte aussi beaucoup plus d’ouvriers.

     Il est en tout cas bien évident que Dieu nous a conduits dans cette ville et nous a dirigés dans les moindres détails.

     Déjà, pendant la construction de la semeuse, la curiosité des passants a été fortement excitée.

– Qu’est-ce qu’on fait là ?

     Et notre ami M. Sainton, avec cette tranquille assurance et cette cordialité qui lui gagnent la confiance et l’affection des gens, répondait:

– C’est une salle de conférences ! Nous voulons vous parler de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ; vous dire que puisqu’il nous aime, nous devons nous aimer aussi, nous faire du bien les uns les autres… »

– Oh !, mais c’est très bien ce que vous faites là ! Mais c’est protestant, ce sera un temple « .

– Non, pas un temple, ni une chapelle, ce sera une salle en planches, et on y fera des conférences, mais aussi on y chantera des cantiques et on y priera. Du reste tout le monde y sera cordialement invité ! Ne manquez pas d’y venir, vous et les vôtres, et vos amis, et quand vous nous aurez entendus, alors vous jugerez ! »

– Nous viendrons »

     Cette promesse a souvent été fait un peu partout et n’a pas toujours été tenue. Le sera-t-elle par les Bretons ? Elle l’a été. Plus que nous n’osions espérer.

     Le dimanche de pentecôte (26 Mai 1912), à 4h00 de l’après-midi, quoique la construction ne fut pas entièrement terminée, nous ouvrîmes les portes de la semeuse, et, en quelques instants, la salle fut plus que pleine. L’auditoire ne se composait que d’hommes – sauf quatre ou cinq femmes – le bruit s’étant répandu, je ne sais comment, que les conférences n’étaient que pour les hommes.

     Le mardi soir à 8h00, la salle fut trop petite pour contenir les auditeurs; ceux qui ne purent pas entrer écoutèrent du dehors aux fenêtres, avec le même recueillement que ceux de l’intérieur, le message de l’amour de Dieu.

     Respectueusement, les hommes se découvraient en entrant, les femmes s’asseyaient tranquillement, prenant leurs enfants sur les genoux ou à leurs côtés, et tous, sans interruption, sans lassitude, prêtaient une attention soutenue à ce qui leur était dit.

     Dans la ville, un peu partout, on parle bien de nos conférences […] Si la population est en voie d’évolution dans le domaine politique, il faut que la lumière se fasse dans le domaine religieux.

     Certes il faut s’attendre à une forte opposition de la part des adversaires de l’Évangile, mais il y a lieu d’espérer et de croire que la Parole de Dieu portera des fruits nombreux et réjouissants dans ce nouveau champ de travail ».

 (Mission Populaire Évangélique, Rapport, 1912, pp. 148-149).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *