Le synode de La Roche-Bernard (suite et fin).

Le synode de La Roche-Bernard en 1564 (dernière partie des actes).

 

     Nous achevons ici la transcription et notre commentaire des actes du synode réformé tenu à La Roche-Bernard en février 1564. Ainsi que nous avons procédé pour les premiers extraits, nous mentionnons en italique le texte original. Nous avons conservé l’orthographe initiale. Les commentaires sont en caractères romains (sauf les titres d’ouvrages sous forme normalisée).

     Ce 25 février 1564, le synode provincial aborde ce que nous appellerions aujourd’hui les « questions diverses » : desserte des nouvelles Églises protestantes qui viennent de se créer en Bretagne, affaires relatives à la bonne administration de la confession réformée, et puis aussi quelques points concrets qui touchent l’attitude morale que l’on attendait des huguenots, ce que l’on désigne alors sous le nom de « discipline ecclésiastique ». Cela touche moins l’observation consensuelle des 10 commandements, que les difficultés des calvinistes à s’insérer dans une société régie par des normes fixée par la pratique catholique dont les Réformateurs entendent refuser les « superstitions ».

 Jean-Yves Carluer

      « Du vingt cinquiesme dudit mois

      Maistre Jacques Roullé d’Allanson, ancien et proposant de l’église d’Hersé, a esté donné ministre de la parolle de Dieu et donné pour pasteur à ladite église l’entretiendra au consistoire de Rennes pour y demeurer aultant de temps qu’il sera expédiant tendant lequel il visitera sondit troupeau ou l’un des ministres de Rennes selon qu’ils jugeront estre bon, une fois la sepmaine pour le moins ».

La Tour des Chiens, château du Bordage

Le Bordage en Ercé-près-Liffré. Les ruines de la Tour des chiens, vestige de la puissante forteresse des barons de Montbourcher, qui abrita pendant plus d’un siècle la communauté protestante d’Ercé et servit souvent de refuge aux huguenots voisins de Rennes. Crédit photo : Fanch Broudic (site www.langue-bretonne.com)

L’Église d’Ercé-près-Liffré n’avait pas jusqu’alors de pasteur en titre, mais Jacques Roullée y était déjà pasteur proposant:  Crévain précise la décision : « On donna à l’Église d’Ercé pour pasteur le sieur Jacques Roullée, ancien et proposant en ladite Église, à la charge qu’il serait quelque temps sous les yeux du consistoire de Rennes, qui l’enverrait, ou l’un de ses ministres, prêcher à Ercé, bourgade auprès du Bordage et en relevant » (op. cit. p. 106) L’étroite interpénétration des église de Rennes et Ercé, qui firent souvent partie d’un même consistoire, était logique

    « A savoir si ceux qui assistent seullement quelquefois aux exhortations sans avoir participé au sacrement de la Cène et s’estre assugetis à la dissipline peuvent estre receus à présanter les enfants au baptesme, a esté respondu que non ».

     Cette mesure était un moyen de pression considérable pour imposer la discipline aux huguenots qui s’en écartaient. Elle ne fut pas toujours bien appliquée.

 « Le faict entre les consistoires du Roysire [Le Croisic] de Pohiriac [Piriac] a esté envoyé à celluy de la Roche Bernard pour en décider ».

     Ce menu conflit entre deux églises voisines ne nous est pas connu. Sans doute s’agissait-il de difficultés liées à la délimitation des compétences des deux consistoires.

      « Du Gravier, ministre de l’église de Rennes, a esté chargé de continuer l’histoire ecclésiastique de cette province suivant les mémoires qui luy seront envoyees par les autres églises de cette dicte province ».

      Crevain écrit à ce propos: « On chargea M. de Gravier, ministre de Rennes, de continuer L’histoire ecclésiastique de Bretagne, suivant les mémoires qui lui en seraient envoyés par les autres Églises. Sur quoi il y a grande apparence que le mémoire imparfait de Rennes dont je me suis servi au commencement pour les années 1558, 1559 et 1560, était un lambeau de cette histoire projetée, ou une des pièces destinées à la composer. Si Rennes et la Roche-Bernard avaient été imités au soin d’amasser les vieux monuments, ou que les mémoires qu’on dressa n’eussent point péri par le malheur des temps et des guerres, nous ne serions pas dans la disette où nous sommes, ni dans l’ignorance du passé qui nous enveloppe. » Le pasteur Louveau fut chargé quelques années plus tard de poursuivre l’oeuvre de Dugravier dont l’héritage fut repris par Philippe Lenoir de Crevain (op. cit. p. 106).

       » Les requestes des églises de Combourg, Hennebond, Muzuillac et Conq sont remises au prochain sinode pour y pourveoir selon que Dieu nous en donnera les moyens ».

      Ces Églises, fragiles, n’avaient pas encore de pasteur. Hennebont reçut le ministre Baron quand celui-ci abandonna Le Croisic en 1565 à cause d’ennuis de santé. Musillac fut pourvu à la même époque, ainsi que Combourg (mais pour peu de temps en cet endroit, car la mort de François d’Acigné à Jamac entraîna la dispersion de cette église et son rattachement à Saint-Malo-Dinan).

      « La question assavoir si les procureurs ny peuvent en bonne conscience solliciter matières bénéficiables, a esté remise au sinode général prochain avecq la question des demandeurs d’exécution des testaments où il y a des messes ».

     La question était effectivement sérieuse. L’Église catholique était un acteur économique essentiel et le droit canon structurait les relations sociales. Les possessions et charges religieuses faisaient l’objet de multiples contrats qui alimentaient une bonne part de l’activité d’intermédiaires comme les avocats ou les procureurs. De plus, les fondations de messes étaient devenues inséparables des domaines et propriétés, donc des actes de vente et d’héritage.  Interdire aux hommes de loi huguenots d’intervenir dans ces domaines était les condamner, sinon à la banqueroute, en tout cas à une rapide reconversion, par exemple comme agents des seigneurs huguenots. Le problème avait été abordé par le synode national de Lyon en 1563 : « les gentilshommes et autres qui tiennent des bénéfices sous le nom de quelques prêtres des lieux où l’idolâtrie n’est point encore répurgée, seront soigneusement avertis de s’en abstenir dans quelque temps; et si enfin ils n’obéissent pas, ils seront retranchés de la cène »(AYMON, Actes ecclésiastiques et civils de tous les Synodes nationaux des Églises Réformées de France,La Haye, 1710, Synode de Lyon, p. 40.

 « Ascavoir si les ministres peuvent estre récusés en un sinode et consistoire, a esté respondu que la question sera aussi proposée au sinode général prochain« .

     Effectivement, le problème n’était pas du ressort des synodes provinciaux.

      « L’église de Nantes a esté chargée de convocquer le prochain sinode provincial et l’assiner en un des lieux establis par le Roy pour l’exercice de nostre relligion, ensemble de renvoyer les articles de tous le sinodes de ceste province affin de la rédiger en lieux communs devant que la renvoyer au Sinode général ».

     On ne connaît pas de synode provincial tenu à Nantes. Le deuxième de l’année fut tenu à Ploermel. Crevain en donne l’explication: « Enfin on chargea l’Église de Nantes de convoquer le suivant synode; mais elle ne le put, parce qu’elle n’était pas retournée de son exil de Blain, ni en liberté d’avoir le synode.. ».

 « Collationné à un aultant tirée d’un viel papier par nous notaires royaulx à Rennes soubssignés, icellui servant à la Religion prétendue refformée nous aparu et rendu avecq le présent. 

Barbe notaire royal

Bohuon notaire royal

Sceau plaqué déforme oblonque portant les armes de France entourées du collier de Saint-Michel, sans légende.

 Cet acte porte a la 1ère page en marge les cotes :

2ème pièce

PR

et plus bas, d’une autre écriture en travers de la marge : Sixième.

après cinquiesme bis et un paraphe

a la 4ème page au verso

Cote:N°2

L’acte comprend quatre feuillets. Le verso du dernier feuillet et une moitié du recto sont en blanc.

    Ces indications laissent penser que la copie des notaires de Rennes se fit sur les originaux, soit des actes eux-mêmes, soit d’un recueil consistorial ou synodal.

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