Les Bretons et la Saint-Barthélemy -3

23 août 1572, les Bretons au cœur du danger…

    La plupart des gentilshommes bretons qui étaient montés vers la capitale échappèrent au massacre.

Saint-Barthélemy

Scène du massacre de la Saint-Barthélemy, par François Dubois (Wiki commons)

   La plus célèbre victime bretonne de la Saint-Barthélemy est le jeune Charles du Quelennec, baron de Pont-L’Abbé, connu dans les rangs protestants sous le nom de « capitaine Soubise ». Se trouvant ce soir-là parmi les proches de Coligny, il voulut s’interposer l’épée à la main, faisant face aux assassins qui gravissaient l’escalier montant à la chambre de l’amiral. Il y perdit la vie. Il laissait une très jeune veuve, Catherine de Parthenay, qui ne fut sans doute guère peinée de la nouvelle. Elle était en attente d’annulation de son mariage, et la mort de Charles la libérait d’une union désastreuse. Comme l’écrit Crevain, le baron de Pont-l’Abbé perdit son procès en  même temps que la vie. Catherine de Partenay manifesta beaucoup de dignité et alla même jusqu’à composer une ode en son honneur.

    François de La Noue, un autre breton proche de Coligny, échappa on ne sait comment. Mais son propre beau-frère, le poitevin Charles de Théligny, gendre de l’Amiral, figura parmi les premières victimes. Sa veuve épousa en deuxièmes noces le célèbre Guillaume le Taciturne.

    Nous avons quelques indications sur le sort des dames de la haute noblesse bretonne qui étaient hébergées au palais du Louvre. Elles s’y trouvèrent relativement protégées, au prix, peut-être pour certaines, d’une abjuration temporaire. Parmi celles qui échappèrent nous retrouvons Catherine de Parthenay et Anne d’Alègre, la baronne de Laval et Vitré, qui réussit à protéger son jeune fils.

    Nous avons dit que Charles Gouyon de la Moussaye était alors déjà rentré dans la province.

    Par ailleurs, la plupart des protestants bretons de noblesse dite seconde furent finalement sauvés.. Crevain raconte que le baron de Frontenay, cadet des Rohans, avait quitté Paris la veille du massacre « préférant l’air du faux bourg par soupçon ou autrement[1]« .

    Effet du hasard ou méfiance, dit Crevain, ses compagnons avaient préféré dormir hors des portes de la capitale et furent réveillés par le tocsin. Il faudrait peut-être évoquer aussi quelques mesures d’économie. Sans se douter du danger, ceux qui résidaient au faubourg Saint-Germain se dirigèrent au petit matin vers les portes de la ville, mais une heureuse circonstance les empêcha d’entrer : les gardes n’avaient pas les clés. Nos Bretons  eurent bientôt vent de ce qui se passait et s’enfuirent à bride abattue, « ayant à dos le duc de Guise« . Ils se séparèrent en cours de route pour ne pas attirer l’attention et les derniers arrivèrent en Bretagne quelques semaines plus tard.

    Le Dial du château de Saffré, sous la plume de l’intendant Papolin, nous permet d’imaginer l’attente des parents Kergrois d’Avaugour. Le jeune Charles de La Muce, compagnon de leurs fils, passa seulement au château le 3 septembre et donna quelques nouvelles. On lui fit faire un pansement, car il « s’était rompu le bras en venant de Paris en s’eschappant du massacre…« . C’est seulement le 26 que les fils de la maison rentrèrent au logis, Charles, René et Pierre, ainsi que les personnes de leur suite, MM de La Bergerye, du Chesne, du Cellier, et Jacques Le Roy. « Mes pauvres enfants retournés icy après le massacre de Paris auquel ils devaient perdre la vie« , écrivait en marge du cahier une mère encore tremblante d’émotion.

    Mais une autre question tourmentait les protestants de la province. Le massacre allait-il s’arrêter à Paris ou s’étendre à tout le Royaume ?

(à suivre)

Jean-Yves Carluer

[1] Philippe Lenoir, sieur de  Crevain, Histoire ecclésiastique…, p. 175.