Lorsque le Ministère des cultes avait accepté la création d’un poste pastoral à Rennes en 1873, il était bien convenu que son titulaire prendrait en charge les protestants français de toute l’Ille-et-Vilaine et de la partie francophone des Côtes-d’Armor. Cette stratégie était possible depuis que le chemin de fer reliait entre elles les cités des côtes de la Manche. La compagnie de l’Ouest, en effet, relie la préfecture à Paris dès 1857, puis bientôt à Saint-Brieuc, en 1863, et à Saint-Malo l’année suivante. La ville de Dinan, située sur une radiale entre la Normandie et Lamballe, attendra 1879. Dans tous les cas, le chemin de fer est un outil essentiel du pasteur de Rennes pour la charge d’âmes des protestants de ces communautés périphériques.
Le Ministère des Cultes avait d’ailleurs prévu que ces villes participeraient au soutien financier du nouveau ministre de Rennes sous forme d’une contribution à son indemnité de logement. Las ! Les conseils municipaux concernés multiplient les arguties pour se soustraire à leur obligation. Il faut attendre 1890 pour que le préfet d’Ille-et-Vilaine impose d’autorité une répartition des contributions de chaque cité. Le 13 mai de cette année-là, un arrêté fixe la part de la ville de Rennes à 600 francs-or annuel, le reste de la région devant fournir 200 autres francs. De façon arbitraire, il répartit cet effort à parts égales entre Dinan, Saint-Brieuc, Saint-Malo et Saint-Servan, cité alors distincte du port corsaire. On notera que rien n’était prévu pour Paramé, Fougères et Dinard, où résidaient pourtant quelques Réformés.
Il est vrai que la situation ecclésiale des protestants sur les côtes de la Manche était passablement compliquée. La grande majorité des paroissiens de Saint-Servan et de Dinan étaient alors des Anglicans qui disposaient déjà de temples et d’aumôniers. Ces derniers mettaient d’ailleurs gracieusement leurs chapelles à la disposition des quelques francophones de l’endroit quand ils étaient visités une fois par mois par le pasteur de Rennes. Malgré cela, la desserte des disséminés est largement déficitaire. Le complément est assuré par des subventions de la Société Centrale d’Évangélisation.
Globalement, la fréquentation des réunions du pasteur Arnoux et de ses successeurs dans les villes moyennes de Haute-Bretagne est allée en s’amenuisant. En 1908, le chiffre moyen des auditeurs s’établit à moins de 20 sur la Côte d’Émeraude. Une raison essentielle de cette désaffection est le transfert ecclésial en faveur des chapelles méthodistes qui s’établit à partir de 1889. La mission du pasteur presbytérien écossais Sommerville à Saint-Malo est à l’origine de la paroisse méthodiste de Saint-Servan. C’est Vincent Arnoux, en lien avec la Mission Populaire Évangélique, qui avait contribué à l’inviter. L’organisation d’une paroisse méthodiste française à Saint-Servan introduit un certain trouble dans le réseau protestant de la côte nord : la desserte des vacanciers de Dinard reste ainsi assurée par l’Église réformée, et à partir de 1914, dans le temple du boulevard Lhotelier édifié par la Société Centrale d’Évangélisation.
La situation à Saint-Brieuc évolue également. Le déclin s’accentue jusqu’en 1904, date à laquelle l’évangéliste méthodiste Jean Scarabin prend en charge la préfecture des Côtes-d’Armor. La faiblesse des effectifs aux diverses réunions (12 auditeurs chaque semaine en 1908) montre assez que la tutelle rennaise ne représente pas une solution satisfaisante depuis le départ du pasteur Bouhon. Hervé di Nocéra emploie même le terme d’un « enterrement de troisième classe » ! Mais ce déclin n’a été finalement que passager. Le petit noyau protestant se partage entre fonctionnaires ou commerçants réformés et ouvriers convertis dépendants de la Mission de Trémel qui finance sur place un colporteur comme Hervet ou Touzé, ou y déplace de temps à autre une de ses voitures bibliques. De façon très caractéristique, aucun lieu de culte n’est alors mentionné à Saint-Brieuc, les quelques rassemblements ayant lieu chez des particuliers.
Le pasteur Arnoux cesse de se déplacer à Saint-Brieuc au milieu des années 1890. Il a 75 ans et termine bientôt 47 ans de ministère doublement actif, car à sa charge de ministre du culte officiel protestant s’est ajouté un ministère d’évangéliste populaire dont nous reparlerons.