Retour au Pays des volcans…
Au début de l’été 1864, l’inspection académique du Finistère interdit définitivement la création d’une école protestante à Gouesnach. Les religieuses s’établirent au chef-lieu de la commune.
Un grand accablement saisit les protestants de la région de Quimper, qui voyaient détruits tous leurs rêves d’une pénétration méthodiste en milieu rural. Charles Hawker vendit son manoir et se prépara à déménager. Son projet était de rejoindre à Tauranga son beau-frère, ainsi que ses neveux Charles Alexander et Charles Wilson, déjà retournés auprès de leur père dans le pays de leur enfance.
« Lorsque le colonel Hawker quitta Lanhuron pour la Nouvelle Zélande, le 10 août 1865, ce fut pour le pasteur Williams un des jours les plus décourageants de son existence », écrit l’historien gallois Dewi Morris Jones1. De son côté le maire de Gouesnach aurait déclaré cette année-là que « ce fut une journée noire pour notre paroisse, le jour où le bienfaiteur de Lanhuron nous quitta ». Le missionnaire méthodiste, dont la santé était de plus en plus chancelante, passa de plus en plus de temps dans son cher Pays-de-Galles, mais veilla à ce que le culte protestant reste célébré à Quimper, soit par des pasteurs français, soit par un éventuel successeur gallois, qu’il finit par trouver en la personne de William Jenkyn Jones.
Les Hawker ont-ils vraiment embarqué vers la Nouvelle-Zélande ? Ce n’est pas du tout certain. Je n’ai pas trouvé mention d’eux dans les sources néo-zélandaises. Il existe, par contre, à Jersey, un exemplaire du testament de l’épouse du colonel Hawker, Frances Dent, rédigé entre 1903 et 1906. Cela laisserait entendre que les époux Hawker ont préféré rester en Europe ou y sont retournés rapidement. Le fait n’aurait rien d’étonnant eu regard au contexte de l’époque. En ce coeur du XIXe siècle, les guerres maories déchirent la Nouvelle Zélande. Une importante bataille se déroule à Tauranga même en 1864. Il était donc prudent de surseoir au voyage. La date ultérieure du décès de Frances Dent permet de penser que l’ancienne châtelaine de Lanhuron put cependant se réjouir de savoir que des centaines de Bas-Bretons suivaient alors les réunions de William Jenkyn Jones en Pays bigouden et s’y convertissaient, de Pont-L’abbé à Lesconil ou Penmarch.
John Alexander Wilson, le neveu de Charles Hawker, avait, de son côté, déjà fait souche en Nouvelle-Zélande où il était devenu un personnage de premier plan dans une colonie britannique qui se développait rapidement malgré le conflit. Il était rentré un temps en Europe pour se marier avec une proche cousine, selon la tradition très endogamique de la famille. Il épousa à Saint-Hélier Anna Lydia Dent qui lui donna 12 enfants.
John Alexander Wilson combattit les insurgés maoris comme capitaine des volontaires de la Royal Cavalry, avant d’être employé dans diverses tâches administratives et judiciaires qui complétaient ses activités d’homme d’affaires et d’exploitant agricole. Son titre le plus élevé à cette époque est celui de juge pour les affaires maories. Il connaissait bien, à la fois, la langue et les coutumes de ce peuple, pour avoir joué dans son enfance avec les enfants du pays autour de la mission de Tauranga. Il a consigné son expérience dans un ouvrage sur les coutumes et les lois du peuple maori : Sketches of ancient Maori life and history, publié en 1894.
L’Encyclopédie de la Nouvelle-Zélande décrit John Alexander Wilson comme « intelligent, ambitieux et entreprenant », mais aussi égoïste, intolérant, d’humeur maussade et difficile à vivre. On est loin des qualités de missionnaire de son père !
En 1874, John Alexander Wilson avait acheté la petite île de White Island, à une cinquantaine de kilomètres de Tauranga, qui était en fait un volcan actif au coeur duquel se trouvaient d’importants gisements de soufre. Son projet était de les exploiter pour produire des engrais, des superphosphates qu’il aurait commercialisés, en particulier en Australie. Mais le site était très dangereux. Les sociétés qu’il créa successivement en 1874 puis en 1883, échouèrent du fait des difficultés techniques rencontrées, ce qui n’a rien d’étonnant. Il vendit le tout en 1886 avant qu’une éruption ne tue les ouvriers et détruise les installations subsistantes en 1914.
John Alexander Wilson mourut à Auckland en 1909. Son épouse lui survécut jusqu’en 1915. Anna Lydia et ses filles, en tant que citoyennes de Nouvelle-Zélande, furent les premières femmes de la planète à disposer d’un droit de vote intégral à partir des élections législatives de 1893.
1Dewi M. Jones, Les missionnaires gallois en Bretagne, thèse non soutenue, manuscrit, p. 317.