1834 : de nouveau un temple et un pasteur à Rennes…
Le culte protestant a été rétabli dans les principales villes bretonnes pendant les premières années de la Monarchie de Juillet (à l’exception de Vannes et Saint-Brieuc). Le renouveau de liberté religieuse permit même l’érection de temples officiels, bâtiments provisoires loués pour l’occasion.
Voici comment un des principaux journaux protestants de l’époque relate l’inauguration de celui de Rennes. Le lecteur remarquera qu’à l’époque, le passé huguenot de la province, aux XVIe et XVIIe siècles, semblait alors ignoré des protestants eux-mêmes.
Le 21 septembre dernier a eu lieu à Rennes une double cérémonie d’un grand intérêt, savoir l’ouverture d’un lieu de culte évangélique dans cette antique capitale de la Bretagne, et l’installation d’un pasteur qui va y résider désormais, y célébrer régulièrement le service divin et y remplir toutes les autres fonctions du ministère de l’Évangile. Le comité de la Société Évangélique de France, informé qu’il y a à Rennes un certain nombre de protestants privés de tout culte public et désireux d’en voir établir un au milieu d’eux, s’est occupé avec empressement de le leur procurer.
M. Eugène Filhol, de Lyon, ministre du Saint Évangile, s’est rendu à l’appel que le comité lui a adressé et s’est chargé, sous la bénédiction de Dieu, de la formation de cette nouvelle Église, la première de son nom, si nous ne nous trompons, qui ait jamais existé à Rennes. M. Le Fourdrey, pasteur à Brest, et M. Rosselet, pasteur, président du Consistoire de Nantes, se sont rendus à Rennes pour cette importante solennité. Le local destiné au culte, qui peut contenir cent trente auditeurs et qui a été loué aux frais des protestants de Rennes, s’st rempli deux fois le dimanche ; et parmi les auditeurs se trouvaient bon nombre de catholiques.
Le matin, les trois pasteurs présents ont pris tour à tour la parole. M Le Fourdrey a fait d’abord le discours d’installation et d’inauguration : il avait pris pour texte ces paroles : « Seigneur, envoie, je te prie, Celui que tu dois envoyer » (Exode IV, 13), et s’est attaché à montrer combien la tâche du ministre de Jésus-Christ est grande et difficile. Après lui, M Filhol est monté en chaire, et, prenant pour texte Actes V, 38-39 : « Si cette œuvre est des hommes, elle sera détruite, mais si elle est de Dieu, vous ne pourrez la détruire », il a montré que le Christianisme est une œuvre qui ne peut périr, et que tout ce qui tend à le propager et à le conduire à son but doit nécessairement réussir. M. Rosselet a ensuite insisté sur les avantages de l’établissement d’une Église évangélique dans une ville où le véritable Évangile n’a pas été prêché, et sur les actions de grâces qui sont dues à Dieu à ce sujet, et il a terminé par la prière.
Dans l’après-midi, M. Rossselet a de nouveau occupé la chaire et a montré la divinité des Écritures par l’histoire même du Christianisme et la puissance de la Bible pour changer et sanctifier le cœur. Il a terminé en exhortant ses auditeurs à lire et à méditer la Parole de Dieu. « La Bible » a-t-il dit, « toute la Bible, rien que la Bible fera le sujet de toutes les instructions qui seront données du haut de cette chaire ». Son texte était 2 Timothée 3, 16.
L’auxiliaire breton, journal qui se publie à Rennes, a rendu compte de cette solennité dans son numéro du 24 septembre. On compte à Rennes, par le premier aperçu, 70 à 80 protestants, presque tous suisses et anglais. Là, comme dans un grand nombre d’autres localités, l’établissement régulier du culte en fera sans doute découvrir un nombre plus considérable.
Voila une œuvre nouvelle, commencée dans un pays encore neuf quant à la prédication de l’Évangile. Nous en félicitons la Société Évangélique. Qu’elle marche avec foi et avec persévérance dans la voie où elle est entrée ; qu’elle allume, partout où elle le pourra, des foyers de lumière et de vie chrétienne ; elle verra graduellement se dissiper quelques préventions qui l’ont accueillie à sa naissance, et bientôt elle se légitimera au cœur et à la conscience de quiconque aime les âmes et le Seigneur Jésus, le Sauveur des âmes.
Un jour nouveau semble se lever sur la Bretagne ; l’Évangile est prêché à Brest, Rennes, Quimper, Lannion, et il va, nous l’espérons, être prêché très prochainement à Lorient. De plus, une édition tout entière du Nouveau-Testament en bas-breton et des traités religieux ont été distribués. Que le Seigneur veuille étendre, vivifier et faire fructifier cette œuvre pour sa gloire et pour le salut de beaucoup d’âmes ! A la suite de l’Évangile, l’instruction et la civilisation feront des progrès, et, avec l’aide de Dieu, si M. Ch. Dupin fait une nouvelle édition de sa carte de France, il pourra éclaircir la couleur de la Bretagne. Nous ne terminerons pas sans dire que cet heureux mouvement est dû, après Dieu, au zèle infatigable de M le pasteur Le Fourdrey, de Brest.
Archives du Christianisme au XIXe siècle, 11 octobre 1834, p. 162.