Vincent Moïse Arnoux : un ministère fructueux à Rennes (1872-1897)… – 1
En 1870, l’Église réformée de Rennes apparaissait définitivement établie. C’était le fruit du long ministère de Charles Vermeil, qui d’ailleurs prit fin en septembre de cette année-là lors de son départ pour la paroisse Saint-Ouen à Jersey. Après quelques mois de transition pendant lesquels les services furent assurés par le pasteur Ambresin, retiré depuis quelque temps auprès de sa famille dans la région, la Société Centrale d’Evangélisation nomma Vincent Moïse Arnoux en avril 1872.
Présentons brièvement celui qui resta pasteur à Rennes pendant plus d’un quart de siècle. Vincent Arnoux était né à Montmeyran (Drôme), non loin de Valence, en 1822. Il se prépara au ministère à la Faculté de Strasbourg. Il obtint les meilleurs certificats en 1846 et soutint une thèse de baccalauréat sur les Réveils religieux. Le futur pasteur y montrait ses convictions évangéliques et son désir de propager la foi chrétienne. Son premier poste le mena à Charmes, en Ardèche, en 18501. Il épousa en mai 1863 Marie Adélaïde Dupoux, non loin de là, dans le temple de Vallon Pont d’Arc.
La candidature de Vincent Arnoux fut acceptée par le comité de la Société Centrale Protestante d’Évangélisation. C’était un homme d’âge mûr (50 ans), qui offrait toutes les garanties vie à vis de l’administration. L’enjeu de la communauté réformée de Rennes était en effet d’obtenir la reconnaissance d’un poste et donc un financement officiel.
Vincent Arnoux fut nommé d’abord à titre officieux, installé provisoirement par Théophile Chabalpuis confirmé définitivement comme proposant le 22 mars 1874. Il resta en Bretagne jusqu’à ses 75 ans, en 1897, et exerça un rôle notable au sein des Églises réformées de Bretagne, assurant en particulier les intérims de la présidence du Consistoire de Brest.
Un service très actif
Vincent Arnoux n’était plus tout jeune quand il arriva à Rennes, ce qui ne l’empêcha pas de s’y montrer très actif. On lui doit l’officialisation de l’Église protestante et la construction d’un lieu de culte digne de son importance. De façon moins connue, le pasteur relança l’évangélisation populaire dans les quartiers périphériques de la ville, en relation avec la Mission Mc-All. Nous y reviendrons. Alors qu’en 1863 l’état nominatif des protestants rennais était de 345 âmes (sans compter les 106 isolés rattachés à la paroisse), en 1873 le chiffre était passé à 426 (plus 180 rattachés). Les fonctionnaires et les commerçants formaient l’essentiel des familles protestantes établies à Rennes2.
Dès le 12 octobre 1873 le ministre avait alloué un secours supplémentaire au nouveau pasteur et forcé les municipalités abritant les protestants de la paroisse à se partager le versement d’une indemnité de logement de 600 francs. Les conseils municipaux concernés (Rennes, Saint-Malo, Saint-Servan et Dinan) se firent longtemps prier. La cité préfectorale donna enfin l’exemple en votant 300 francs3. Un mois plus tard, le ministre Mac-Mahon signait le décret tant attendu par les protestants rennais qui établissait « un poste de pasteur proposant rétribué à Rennes, avec une paroisse comprenant le département d’Ille-et-Vilaine et l’arrondissement de Dinan« 4.
Désormais le poste de Rennes n’avait plus à dépendre de la Société Centrale Protestante d’Évangélisation. La nouvelle Église concordataire s’affilia à l’Union Nationale des Églises Réformées Evangéliques de France, confirmant le choix orthodoxe des calvinistes bretons.
Le pasteur Arnoux, fort de son titre officiel, entreprit en 1876 de demander des émoluments pour son travail d’aumônerie au lycée de Rennes5. Le recteur d’Académie refusa pourtant le poste. Par contre, en 1883, la ville de Rennes accepta de porter à 600 francs sa contribution à l’indemnité logement. Désormais, le pasteur était considéré comme un notable dans sa ville.
(à suivre….)
1Bizarrement, le site du temple de Charmes le prénomme Victor.
2 Notons, entre autres, les brasseurs alsaciens Richter et Graff. Mme Catherine Lalumière, ministre puis secrétaire général du Conseil de l’Europe en 1991, est issue de cette dernière famille rennaise.
3 Les autres villes refusèrent, ou bien, comme Dinan, ne versèrent qu’une somme symbolique. C’est le ministère des cultes qui dut payer les 285 francs manquants. En 1879, un arrêté préfectoral fixa les quotes-parts des différentes communes
4 Le salaire pastoral, conformément aux instructions, était de 2200 francs par an.
5Le pasteur s’occupait depuis trois ans d’une trentaine d’élèves protestants, dont plusieurs jeunes Anglais.