1882 : un temple neuf à Rennes

     Une délibération du conseil presbytéral du 2 août 1875 décida l’achat d’un terrain et le rassemblement d’une somme de 20.000 francs pour la construction de l’édifice qui en coûterait le triple1. Le conseil acquit un terrain bien placé dans un nouveau quartier au sud de la Vilaine, 2 boulevard de la Liberté, mais le lot valait à lui seul 24.000 francs. A la fin 1877, le pasteur s’adressa au préfet afin d’obtenir la déclaration d’utilité publique et une subvention. Finalement le secours de l’État ne représenta que 15.000 francs et tout le reste, soit près de 100.000 francs, fut fourni par des dons ou avancé par des emprunts2. Un tel effort financier prouve que l’assemblée protestante semble désormais relativement aisée : l’état nominatif de 1873 fait apparaître effectivement quelques rentiers, industriels (en particulier dans la brasserie), et fonctionnaires. Le chantier du temple se poursuivit pendant 3 ans, de 1879 à 1882. Il coûta au final un peu plus de 100 000 francs ; la majeure partie de la somme fut couverte par les subventions de la ville, du conseil général et de l’État. Le ministre des cultes avait demandé dès 1878 à la ville de prendre la direction des travaux puis la propriété du temple, mais le conseil municipal avait refusé.

temple Rennes

Le temple de Rennes et le boulevard de la Liberté en 1906 (Archives du temples EPUDF de Rennes)

     Le temple protestant de Rennes est l’œuvre de l’architecte protestant brestois Abel Chabal. Abel Chabal(1844-1913) était le fils de Théophile Chabal, le premier président du consistoire de Bretagne. Il était né à Annonay, où son père était alors pasteur, a été formé à l’École des Beaux Arts de Lyon, puis à l’École des Arts Décoratifs de Paris où il collabora avec Alfred Decloux (1824-1868), inspecteur des Monuments historiques et partisan dans ses réalisations de l’école dite de l’historicisme. Dès son installation brestoise en 1874, Abel Chabal devient une figure importante de la vie culturelle de Brest auprès d’autres architectes comme Louis Mer (1852-1928) et François-Sylvain Crosnier (1859-1950) avec qui il siège à la Société académique brestoise. A partir des années 1880, il reçoit de nombreuses commandes aussi bien privées que publiques. Les archives départementales du Finistère conservent le fonds des architectes Abel et Gaston Chabal, déposé par Jeanne Chabal qui fut une paroissienne engagée.

      La façade sud du temple de Rennes s’ouvre sur une rose polylobée à motifs floraux. Deux versets accompagnent la représentation de la Bible ouverte :  « Sondez les écritures » (Jean V verset 39) et « Mes paroles ne passeront point » (Mathieu 24, verset 35). Le choix d’Abel Chabal semblait évident pour nombre de protestants bretons. Rappelons qu’avec son fils Gaston, il est aussi le concepteur et l’architecte de la Station balnéaire de Morgat, édifiée par l’industriel Armand Peugeot.

     L’érection d’un édifice élégant à Rennes n’était pas inutile. Il offrait au culte minoritaire une visibilité officielle fort bienvenue dans une cité où le protestantisme avait fait jusqu’alors figure d’élément allogène.

     Le pasteur Vincent Arnoux, fort de cette assise officielle, put désormais développer en parallèle une stratégie d’évangélisation des quartiers ouvriers, avec l’appui de la Mission Populaire Évangélique, tout en assurant la charge d’âmes des protestants francophones de Saint-Servan, Dinan et Saint-Brieuc.

(A suivre…)

Jean-Yves Carluer

1 8.000 francs devaient être fournis par les Églises amies, 12.000 par les Rennais.