Saint-Nazaire 1912-1922

Dix ans du ministère d’Héliodore Jospin.

      Nous terminons la transcription de l’historique de l’Église réformée de Saint-Nazaire, telle qu’elle a été relatée par Héliodore Jospin dans le journal L’action Missionnaire. Le pasteur présente la tâche difficile qui a été la sienne en 1912 : retrouver, regrouper et faire grandir une communauté très diverse. Elle associait, en effet, un petit noyau de Réformés attirés à Saint-Nazaire par les activités d’un grand port industriel, et un nombre indéterminé de prosélytes, fruit du ministère de son prédécesseur, mais dont on ne connaissait pas la réalité profonde de l’engagement protestant. Lorsque le pasteur Jospin quittera Saint-Nazaire en 1929, il laissera une œuvre considérablement renforcée, avec l’aide, il est vrai, de la Mission Populaire Évangélique qui a installé une salle démontable, organisé une troupe scoute et œuvré dans le domaine social. « Un bilan exceptionnel », estime Charles Nicol[1].

Jean-Yves Carluer

Saint-Nazaire, rue Cran

La rue de Cran à Saint-Nazaire (Rue Jean Jaurès), où se trouvait le temple. Les drapeaux et les costumes semblent indiquer un jour de 14 juillet.

      » Dès mon arrivée je me préoccupai de rechercher et de grouper les familles protestantes connues ou ignorées (il n’est pas facile de dépister un protestant qui veut se cacher ; trop souvent on ne le connaît que mort, quand la famille, ordinairement catholique, appelle le pasteur pour ses funérailles) ; je me mis aussi à la recherche des prosélytes signataires des pétitions mentionnées plus haut, et dont un grand nombre s’était éclipsé. J’arrivai ainsi à réunir un auditoire modeste pour les cultes du dimanche et les conférences du mercredi. Comme il était légitime, et conformément aux instructions du Comité de la Société Centrale, je demandai à ceux qui déclaraient se rattacher à l’Église de réaliser les promesses faites un an auparavant à la Société qui adopterait le troupeau et de s’engager à verser une cotisation mensuelle proportionnée à leurs ressources. Il y eut quelques refus nets, il y eut des défections silencieuses, et aussi des engagements pris légèrement et qui ne furent guère tenus. Il apparut bien, ici comme ailleurs, que beaucoup de « prosélytes » apprécient surtout dans le protestantisme une religion gratuite, sinon plus facile, et que devant l’appel à l’effort et au sacrifice, ils n’aperçoivent plus la supériorité de notre culte.

     Avec les éléments les meilleurs, qui restèrent fidèles, et les protestants qui apprirent à nouveau le chemin du Temple, nous sommes partis bravement, confiants en l’avenir, c’est-à-dire confiants en Dieu. Les difficultés ne manquent pas : timidité des protestants et des catholiques attirés vers le protestantisme et qui se sentent trop isolés et menacés dans cette pointe bretonne toute catholique ; manque de ressources et de local pour l’évangélisation hors du temple ; absence de familles entièrement protestantes d’origine ou entièrement gagnées, sur lesquelles le pasteur pourrait s’appuyer et où l’éducation chrétienne des enfants serait assurée ; déplacement fréquent des familles qui ne s’attachent guère à cette ville, où il n’y a d’industrie que la navigation et les chantiers maritimes.

     Les encouragements non plus n’ont pas manqué. Les auditoires sont en général très intéressants et proportionnellement des plus satisfaisants. Des âmes, surtout de jeunes, ont été gagnées ; si ce sont assez souvent d’autres Églises qui en ont hérité, le bénéfice n’en est pas perdu. Pendant les années de guerre, j’ai eu des preuves et des témoignages de l’action bienfaisante de l’Église sur les soldats, les blessés, les réfugiés, les prisonniers de guerre. De 1912 à 1922, j’ai célébré 25 baptêmes, 42 mariages, 87 enterrements. Pendant le même temps, dans cette Église, très modeste par le nombre et les ressources de ses membres, et qui a dû tout apprendre du devoir et du bonheur de donner, j’ai recueilli 15 008 francs de cotisations et collectes (que j’ai transmis presque intégralement pour payer une partie de notre dette envers la Société Centrale Évangélique), sans compter 4 à 500 francs recueillis chaque année pour d’autres œuvres. Si la ville, plus que beaucoup d’autres, (par suite de sa dépendance avec le mouvement maritime) traverse une crise dont se ressent fâcheusement l’Église, le passé permet d’espérer un nouvel élan et un heureux développement de l’œuvre après le rétablissement de la vie normale.

      H. Jospin, pasteur

 [1] Charles Nicol, Enfants de Luther et de Calvin, de l’Édit de Nantes à nos jours, l’histoire méconnue des protestants à Saint-Nazaire et dans sa région, 1997, Édition de Matignon, p. 65.

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