Un nouveau protestantisme à Rennes -2

Rennes, 1832-1834 : à la recherche d’un pasteur…

    Quel est le véritable refondateur de l’Église réformée de Rennes ? Il semble bien, en effet, qu’avant même l’installation du premier pasteur officiel, en septembre 1834, un ou plusieurs ministres du culte aient été présents sur place, ne serait-ce que momentanément.

    Les années 1831 à 1834 marquent en effet un tournant dans l’évolution religieuse de la France. Le nouveau régime, la Monarchie de juillet, est assez favorable à l’expansion du protestantisme, même en Bretagne. Rappelons que le pasteur Achille Le Fourdrey a pu s’installer à Brest dès 1832.

Thabor Rennes Potel

Le parc du Thabor et l’église Saint-Melaine à Rennes, vers 1840. Dessin de Potel.

    La présence d’un ministre du culte protestant est donc possible à Rennes ces années-là, d’autant que ses coreligionnaires sont en nombre suffisant pour susciter quelque espoir. Quelques sources laissent entendre qu’un culte, sans doute privé, s’est tenu dès 1832 dans la ville. Le pasteur Henri Bastide, qui fut en fonction à Rennes au début du XXe siècle citait à ce propos un passage des Annales manuscrites des religieuses hospitalières augustines de l’Hôtel-Dieu de Rennes. Selon ce document, un lieu de culte protestant aurait été ouvert, rue de la Palestine, dominant le parc du Thabor, à l’époque de la grande épidémie de choléra, c’est-à-dire au printemps 1832[1]. La localisation de ce local, dans un quartier récent et bourgeois, donne à penser que c’était une dépendance de la villa d’un notable, français ou plus probablement britannique.

    Il est difficile, par contre, d’identifier le ou les prédicateurs de cette époque.

    Si l’on suit Henri Bastide, le desservant aurait été Jean Wilson, un Franco-britannique originaire de l’île de Saint-Christophe (Saint-Kitts), et qui avait été auparavant pasteur réformé à Pouzauges (Vendée) et à Nantes. C’est effectivement possible, d’autant que le pasteur Wilson démissionne de Nantes cette année-là, mis en minorité au sein de son conseil presbytéral. Il aurait pu visiter Rennes alors qu’il était encore titulaire de Nantes, voire séjourner ensuite chez des amis britanniques rennais et célébrer là des cultes de famille. Mais ce qui affaiblit l’hypothèse d’un rôle pionnier attribué à Jean Wilson, c’est à la fois son âge (75 ans) et son état de sa santé, puisqu’il avait dû se faire seconder à Nantes par un pasteur suffragant depuis eux ans déjà.

    Reste une autre possibilité, celle d’un évangéliste détaché par la Société Continentale, le principal organisme d’évangélisation alors à l’œuvre en France et qui donnera bientôt naissance à la Société Évangélique de France. Les archives n’en ont pas été conservées, et nous en sommes réduits, là encore, à des hypothèses. Un document très intéressant retrouvé dans les fondations du premier temple de Lorient mentionne la présence à Rennes à cette époque d’un certain Malherbe. Cet évangéliste effectuera plus tard une carrière pastorale en Normandie au sein de la Société Évangélique de France. Il est possible qu’il ait donc été présent à Rennes à cette période décisive.

     La dernière éventualité est celle de séjours occasionnels du pasteur Achille Le Fourdrey lui-même, avant qu’il ne s’installe définitivement à Brest. C’est visiblement lui qui a organisé ensuite le regroupement des protestants rennais et mis en place le financement d’un agent de la Société Évangélique de France à Rennes.

Deux étapes pour une refondation

    La première a été le recensement et la mise en relation de protestants encore très dispersés. Ce travail fondamental a été confié au colporteur Loyer au cours de l’hiver 1833-1834. Nous publions ailleurs sur ce site le compte rendu de son voyage : « A Rennes, non moins qu’ailleurs, il trouva des dispositions favorables à la dissémination des Saintes Écritures, et se mit en rapport avec un assez grand nombre de personnes de communions différentes, qui lui exprimèrent également un vif désir de voir s’établir à leur portée le culte selon l’Évangile« [2].

    Restait à interroger durant l’été 1834 les protestants locaux pour recueillir leurs engagements de financement d’un pasteur parmi eux. C’est ce qui ressort du rapport de la Société Évangélique de France : « Les membres de son troupeau, pour diminuer les frais que notre société aurait à faire pour l’entretien de leur culte, avaient ouvert entre eux une souscription, à laquelle chacun s’était empressé de prendre part. Quelques mois après l’ouverture de la chapelle, un ancien militaire, catholique-romain, se présenta chez la personne qui recueillait ces souscriptions, et en lui remettant 2 fr., il lui dit qu’il donnerait pareille somme tous les trois mois ; qu’il ne pouvait offrir davantage, mais que ce qu’il donnait, il le donnait avec grand plaisir pour une chose qui le rendait si heureux[3]« .

Le temps était donc venu d’ouvrir un premier temple à Rennes.

(A suivre)

Jean-Yves Carluer

[1] Le travail du pasteur Bastide semble avoir disparu aujourd’hui. Il est cité par l’érudit Hippolyte Corbes, « Les Églises protestantes en Ille-et-Vilaine au XIXe siècle », Annales de Bretagne, 1963, p. 342-343.

[2] Société Évangélique de France, Rapport annuel de 1834, p. 22-23.

[3] Société Évangélique de France, Rapport annuel de 1835, p. 49.