Le Château de la Brétèche, en Missillac (44)
Au printemps 1558, François d’Andelot, le cadet des Châtillon, Colonel-général des Suisses et Grisons au service de la France, faisait son entrée au château de la Brétèche, au coeur de sa baronnie de la Roche-Bernard. Il tenait cette imposante forteresse de son épouse, Claude de Rieux, fille du puissant comte de Laval, baron de Vitré, maison la plus riche de Bretagne après les ducs. François d’Andelot n’était pas seul, évidemment. Il était officiellement en mission d’inspection des défenses maritimes de la province en remplacement de son frère, l’Amiral de Coligny, détenu provisoirement par les Anglais après la reddition de Saint-Quentin.
La Brétèche ou Bretesche était alors une place forte austère, loin d’afficher l’allure de résidence néo-gothique qu’elle présente aujourd’hui et qui provient de reconstructions ultérieures. Dans la suite de notre grand seigneur figurait un pasteur, Gaspard Carmel, dit Fleury, originaire de Neuchâtel.
L’objectif de d’Andelot est de créer l’électrochoc susceptible de faire émerger le protestantisme dans ses terres de Bretagne. Il sait qu’un certain nombre de ses vassaux penchent secrètement vers Calvin. Une prédication publique organisée par un aussi grand personnage que François d’Andelot galvanisera les énergies en un temps où la plupart sont encore paralysés par la peur. N’oublions pas que nous sommes à la fin du règne du roi Henri II et que des huguenots sont régulièrement menés au bûcher.
A noter que François d’Andelot a choisi pour cet acte révolutionnaire une puissante forteresse. Il a estimé trop risqué de le tenter dans sa ville de la Roche-Bernard, dépourvue de remparts. Il a préféré présenter la prédication comme un exercice privé, même si, comme l’écrit Crevain, tous les habitants et gentilshommes de la région étaient convoqués et « toutes portes ouvertes, hautement, librement et comme en triomphe« . Laissons encore au pasteur Philippe Lenoir sa présentation du bilan : « quantité de gens s’y rangèrent et y furent convertis à Dieu, principalement de la noblesse; car il n’y a pas de peuple ni de bourgeoisie nombreuse autour de ce château-là, qui n’a dans son voisinage que le petit bourg de Missillac et une forêt bordée de landes[1]« . Choix stratégique et modèle social se combinaient pour donner déjà au premier protestantisme breton l’aspect aristocratique qui se caractérisera jusqu’au bout.
S’il est acquis que la célèbre prédication eut lieu, les historiens ultérieurs ont émis des nuances sur les dates exactes et les noms. Certains ont vu, par exemple, deux personnages en Fleury et Carmel, alors qu’il s’agit du même pasteur.
Pour le reste, il faut reconnaître que le protestantisme de La Brétèche est plus celui d’un événement que d’une durée. Certes, d’Andelot et son épouse y résidèrent plusieurs mois avant que cette dernière n’y perde la vie en mettant au monde son dernier enfant. Mais le centre de la vie protestante locale s’était déplacé vers La Roche-Bernard et le pays de Guérande qui regroupaient des familles nobles réformées, converties justement lors du prêche de 1558. Les enfants de François d’Andelot, devenus les héritiers de leur tante Renée de Rieux, se sont plus considérés comme des représentants de la maison de Laval-Vitré, avant que les guerres de religion ne les emportent. Certes une bru, Anne d’Alègre, se trouva ultérieurement maîtresse de la baronnie, mais, remariée à un catholique, il n’est pas dit qu’elle se soit intéressée à la Brétèche, désormais ruinée par les troupes du duc de Mercoeur.
Le château initial a en effet beaucoup souffert des troubles et des guerres civiles depuis le XVIe siècle. Il est d’abord assiégé et fortement endommagé lors des guerres de la Ligue. Pratiquement détruit lors de la Révolution française, il est reconstruit plus que restauré au milieu du XIXe siècle, conformément aux canons du « romantisme médiéval ». Classé comme monument historique depuis 1926, il présente sa silhouette impressionnante au visiteur qui le contemple au travers de l’étang, depuis la route qui conduit à Missillac (Loire-Atlantique). Le domaine est aujourd’hui mis en valeur dans le cadre de l’hôtellerie, le terrain de golf, et la restauration de luxe.
[1] Philippe Le Noir, sieur de Crevain, Histoire ecclésiastique de Bretagne, pp. 9 et s.