Théophile Chabal (1803-1876)

Un pasteur ardéchois à Brest…

     Il n’était pas facile de succéder à Achille le Fourdrey, le pionnier des Églises réformées en Basse-Bretagne. Ce dernier, mort prématurément en 1854, laissait un grande vide et de multiples projets en suspens, à commencer par la construction d’un temple à Brest. Le statut de président de consistoire, qui venait d’être obtenu par Le Fourdrey, garantissait par contre un recrutement de qualité. Le type d’action pastorale hérité du fondateur de Brest ne pouvait attirer qu’un évangélique convaincu. C’était le cas d’un ami et correspondant de longue date de Le Fourdrey.

Chabal Théophile

Théophile Chabal (fonds privé du Diben)

    Jean-Louis-Théophile Chabal, né en 1803 à Saint-Pierreville (Ardèche), était une figure de ce courant. Il était issu d’une famille aisée, son père était notaire. Théophile Chabal fit ses études de Théologie à Genève puis à Strabourg, avant d’être nommé suffragant en 1827 dans sa paroisse natale. Il est titularisé à Saint-Christol (Gard) en 1828, puis s’installe à Saint-Agrève (Ardèche) en 1830. Il y deviendra bientôt président du consistoire local1. Il était très apprécié de des paroissiens, Quelques-uns de ses collègues, de tendance libérale, n’étaient pas du même avis. Le pasteur François Delétra, dans son journal de tournée de prédication dans le Vivarais en 1841, lui décernait le titre de « pape du méthodisme en ces contrées », ce qu’il faut comprendre comme chef du parti évangélique2 ».

    Lassé des conflits théologiques qui déchiraient les consistoires du Vivarais, Albert Chabal posa sa candidature à Brest. Son élection fut entérinée par le consistoire de Brest le 11 février 1855. Quelques semaines plus tard Théophile Chabal arrivait dans le port du Ponant. Le 6 mai, lors de son installation présidée par Benjamin Vaurigaud , il fit une profession de foi de tendance résolument évangélique : « Jésus-Christ considéré non seulement comme révélation et martyr de la Vérité ; mais Jésus-Christ annoncé et confessé comme Dieu sauveur, manifesté en chair pour le salut du monde ; Jésus-Christ victime sainte et expiatoire, mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification; Jésus-Christ sanctifiant nos âmes par la vertu régénératrice de son Saint-Esprit : voilà, mes frères, la doctrine qui… était annoncée dans cette chaire par mon prédécesseur et qui continuera à l’être3… »

Un « caractère conciliant » ?

    Théophile Chabal fut considéré par l’administration comme « un caractère conciliant, qualité recherchée pour le pasteur de Brest4« . Sans doute était-il plus accommodant que son prédécesseur, mais il avait la même détermination. Certes, la première année qui suivit l’arrivée du pasteur à Brest, il y eut un flottement bien compréhensible dans l’activité de la Société des intérêts généraux du protestantisme en Basse-Bretagne. Mais, au cours des années suivantes, la marche en avant reprit. Les assemblées religieuses de Basse-Bretagne se tinrent bientôt jusqu’à Rennes et les pasteurs anglicans y furent invités. L’évangélisation protestante semble s’être poursuivie à Brest, au point qu’en 1859 le pasteur fut mis en cause pour « avoir employé les moyens les plus répréhensibles pour contraindre une famille catholique à changer de religion« , selon une lettre de dénonciation qui s’avéra fausse5.

    Théophile Chabal exerça son ministère pendant plus de 20 ans à Brest. Il eut la joie d’inaugurer le temple neuf de la rue d’Aiguillon. Comme son prédécesseur, il noua des liens très étroits avec les pasteurs baptistes et méthodistes de Morlaix et Quimper.

    Selon Samuel Bourguet, Théophile Chabal fut durablement atteint dans sa santé en 1871 alors qu’il soignait des marins et soldats rapatriés sur Brest6. Il poursuivit malgré tout son ministère jusqu’à un âge avancé et mourut à son poste le 2 juillet 1876.

    Théophile Chabal fit souche à Brest. Son fils Abel (1844-1913) devint un architecte réputé, figure de la vie locale brestoise, concepteur du temple de Rennes et de la station balnéaire de Crozon-Morgat financée par le protestant Armand Peugeot. Ce travail fut poursuivi à sont tour par son fils, l’architecte Gaston Chabal (1882-1965), résistant actif puis membre important de la commission de reconstruction de la ville de Brest sous la direction de Jean-Baptiste Mathon.

Jean-Yves Carluer

1 Son dossier du ministère des Cultes est aux Archives nationales (A.N. F/19/10363). Le dictionnaire du monde religieux de la France contemporaine –les protestants-, Beauchesne, Paris, 1993, dirigé par André Encrevé, lui consacre une notice (p. 119-120).

2 Journal de Deletra, Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, 1982, p. 413.

3 Bulletin Évangélique de Basse Bretagne, 1855, p. 173

4 Archives départementales (A.D.) du Finistère, 3 V 7, 1855, rapport du sous-préfet de Brest au préfet.

5 A. D. du Finistère, 3 V 7

6Samuel Bourguet, William-Jenkyn Jones, p. 31.