Le Plessis-Bertrand, château protestant…

     Le voyageur qui circule sur la route qui va de Saint-Coulomb à Saint-Méloir, non loin de Cancale, sur la côte nord de la Bretagne, remarque à peine un grand bosquet d’arbres sur un tertre, à sa gauche. Le panneau « propriété privée » le dissuade, le cas échéant, d’aller explorer plus avant. Imagine-t-il que, derrière les fourrés, se dressent encore de beaux vestiges, ceux d’un assez grand château fortifié, et qui plus est, le siège d’un prêche huguenot entre 1565 et 1569 ?

Le Plessis-Bertrand. L’emplacement de l’ancien pont-levis

    La forteresse aurait été édifiée par Bertrand III du Guarpic vers 1250, un aïeul de Bertrand du Gesclin.  Même si le site était médiocre, fait de terrain plat, l’ensemble avait belle allure : 8 fortes tours, des douves profondes, un solide pont-levis. Le Plessis-Bertrand, avec son homologue de Beaufort, commandait une des grandes seigneuries de Bretagne, rassemblant 29 fiefs et baillages dans l’arrière-pays de Saint-Malo. Après divers affrontements lors de la guerre de succession de Bretagne, la seigneurie passa entre les mains des Chateaubriand, les aïeux de notre écrivain national.

    Christophe de Chateaubriand, seigneur de Beaufort, fils de François de Chateaubriand et d’Anne de Tréal, hérite de la seigneurie du Plessis-Bertrand à la mort de son père le 13 octobre 1562. Il passe à la Réforme à une date inconnue qui semble avoir précédé son mariage avec la très jeune charlotte, fille de Gabriel de Montgomery, le 30 juillet 1565. Mais il meurt bientôt, sans descendance, lors de la bataille de Jarnac le 13 mars 1569. Ses successeurs au Plessis-Bertrand sont tous catholiques, sauf brièvement, entre 1586 et 1589, quand sa veuve récupère le château.

    La forteresse n’aura donc été huguenote que quelques années, et n’a accueilli un prêche protestant que peu de temps. Le pasteur Lenoir, sieur de Crevain, l’affirme : « un seigneur nommé C. de Châteaubriant, sieur de Beaufort, qui avait épousé la fille aînée du comte de Montgommeri, retira [le pasteur] Mahot en son château appelé le Plessix-Bertrand, dans le voisinage de Saint-Malo, pour y former une Église domestique et y recueillir ceux de là autour que Dieu avait appelés à sa connaissance. »

    Selon mes sources, mais elles sont lacunaires, aucun autre document ne mentionne l’existence d’une Église réformée au Plessis Bertrand, ce qui n’est pas forcément étonnant si cette dernière n’a pas eu le temps d’être complètement « dressée ». L’exercice seigneurial au château était sous la responsabilité du pasteur Mahot, originaire de Normandie et sans doute issu du réseau spirituel des Montgomery. Charles Gouyon de la Moussaye, dans ses Mémoires, confirme la présence du pasteur Mahot dans la région de Saint-Malo quelques années plus tard. La tragique dispersion des religionnaires maloins après la mort de Christophe de Chateaubriand n’a donc pas été fatale à une Église qui se reformera au temps de l’Édit de Nantes autour du temple de Plouër-sur-Rance sous la protection des Gouyon de la Moussaye, cousins et alliés des seigneurs du Plessis-Bertrand.

    Nous raconterons bientôt en détail les événements de 1569 au château, ainsi que le destin de Charlotte de Montgomery, veuve à 15 ans, plus tard remariée à un grand marin huguenot.

    Le Plessis-Bertrand a été le siège de violents combats en 1597 et 1598, lors de sa reconquête par les troupes royales du Maréchal de Brissac. Le capitaine protestant La Tremblaye perdit la vie lors du siège. La place a été finalement démantelée en  1598, ce qui explique l’état actuel. Néanmoins, les vestiges conservés sont très évocateurs.

    Jean-Yves Carluer

 Pour plus d’informations :

BANÉAT, Paul. Le département d’Ille-et-Vilaine. Histoire, Archéologie, Monuments. Rennes : J. Larcher, 1927, p. 361-362.

Le château du Plessis-Bertrand est inscrit à l’inventaire des monuments historiques par arrêté du 18 décembre 1969. Sa fiche se trouve sur le site internet  portail des patrimoines de Bretagne, avec de très belles photos, pour une visite virtuelle :

http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=MERIMEEIA35004262

2 réponses à Le Plessis-Bertrand, château protestant…

  1. claquin dit :

    Je souhaiterai connaitre le destin de charlotte, sa rencontre avec le seigneur de la ravardiere, l’expédition vers le brésil de cancale
    Merci de me transmettre le lien avec vos publications à ce sujet

    • Jean-Yves Carluer dit :

      Bonjour !
      Merci de votre intérêt !
      J’ai prévu de publier prochainement une ou plusieurs études sur Daniel de la Touche, sieur de la Ravardière, seigneur de Règneville, le second époux de Charlotte de Montgomery. Ce grand navigateur, découvreur de Cayenne et fondateur de Sao-Luis-de-Maranao, était ancien de l’Église de Plouër et accueillit un prêche à Cancale. Comme vous l’avez sans doute remarqué, mes chroniques s’orientent progressivement vers le XVIIe siècle. Il y a encore beaucoup de choses à dire !

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